lundi 19 décembre 2011

Construisons des messages qui frappent et qui durent !

J'ai brièvement évoqué dans mon dernier post (http://sedifferencierdesesconcurrents.blogspot.com/2011/12/et-si-votre-succes-se-resumait-en-23.html) les résultats des travaux de deux chercheurs américains, Chip et Dan Heath, au sujet de l'analyse de la persistance des messages afin de pouvoir véhiculer de manière efficace des idées. Comment créer des messages qui marquent les esprits ? (c'est d'ailleurs le sous-titre français de leur ouvrage "Idées de Génie" aux éditions Pearson).
Chip et Dan nous disent que pour créer et communiquer des idées de manière remarquable et persistante il faut que les messages qui les portent possèdent un maximum des 6 attributs suivants : ETONNANT,  CONCRET,  HISTOIRE, EMOUVANT, CREDIBLE, et SIMPLE. Ce que j'ai personnellement résumé en l'acronyme ECHECS, et j'espère que les frères Heath, s'ils l'apprennent un jour, ne m'en voudront pas, car au passage il m'a fallu rebaptiser l'un de leurs attributs (Etonnant à la place d'Inattendu) et les présenter dans un ordre différent de celui de leurs auteurs ...
Sans vouloir plagier cet excellent ouvrage plein de bon sens et illustré de dizaines de cas pratiques qui fixent les esprits à merveille (vous me direz que c'est la moindre des choses vu le sujet traité ...), j'ai souhaité ici partager les points qui m'ont paru les plus pertinents.

Un message qui Etonne :
1) Déjouez le bon sens !
un message qui coule de source rentre par une oreille pour sortir par l'autre ... Pour que les gens fassent l'effort de vouloir se souvenir de quelque chose il faut que ce quelque chose dépasse leurs connaissances, même leurs connaissances intuitives. Il convient, à chaque fois que vous souhaitez véhiculer une idée, d'identifier ce que cette idée peut avoir d'inattendu, de contraire à l'intuition de sens commun et de communiquer cette idée sous cet aspect surprenant. Posez-vous cette question : comment faire en sorte que mon message ne soit pas deviné dès les premiers mots ?

2) N'inventez pas d'effet de surprise qui soit dénué de toute pertinence !
Votre sujet d'étonnement ne doit pas être inutile et il doit pouvoir être rapproché en lien direct avec votre sujet principal par vos interlocuteurs. En d'autres termes n'inventez pas d'histoires abracadabrantesques ...

3) Poussez vos capacités vers des extrêmes !
Une société de services peut pousser la dérision et l'étonnement jusqu'à dire qu'elle serait même capable de repasser la chemise de ses clients, un distributeur de pièces détachées de rembourser à un client l'achat d'une pièce qu'il ne vend même pas, un marchand de jouets de faire un paquet cadeau pour des objets achetés ailleurs ... Vous pouvez ainsi battre en brèche les idées reçues et, même si bien entendu vous ne mettez en oeuvre aucune de ces idées farfelues (quoi que ...), montrer ainsi que vous êtes quelqu'un qui peut potentiellement aller loin dans ses prestations et par exemple que vous avez bien compris l'intérêt de la satisfaction de vos clients à un point tel que vous ne vous donneriez pas de limite si on vous laissait faire.

4) Soyez énigmatique !
Pensez à décrire des situations qui ne semblent avoir aucun sens mais que vous prendrez soin dans un second temps de démontrer concrètement. En gros, tentez de construire vos argumentations comme une véritable énigme policière. Par exemple si vous voulez vous afficher comme un spécialiste en astronomie, pourquoi ne pas commencer en disant que différents groupes scientifiques de renommée internationale ont récemment émis 3 explications différentes pour expliquer la nature des anneaux de Saturne ...

5) Créez des manques !
Avant de délivrer des faits indiscutables, songez à faire prendre conscience à vos interlocuteurs qu'il leur manque quelque chose : un savoir, une connaissance, un besoin ... Avant de vous lancer dans la divulgation d'informations, pensez à présenter vos messages de manière à ce qu'ils répondent tout d'abord à : quelles questions est-ce que je veux que mon public se pose ? Il s'agit dans un premier temps  de faire prendre conscience à vos interlocuteurs qu'ils peuvent apprendre quelque chose de vous dont ils se moquaient éperdument jusqu'à ce qu'ils vous rencontrent ...

6) Privilégiez le contextuel !
Pour intéresser le gens il faut repositionner vos propos dans un contexte de référence qui parle à tout à chacun. "Voilà ce que vous savez. Et voilà à côté de quoi vous passez ..." Il faut savoir mettre en scène de nouvelles choses dans un contexte que vos interlocuteurs connaissent déjà.

Un message Concret :
1) De l'humain, toujours de l'humain !
Il faut rapprocher toutes vos actions, vos propositions ou vos résultats, d'actes tangibles par l'être humain. Nous n'aimons l'abstrait qu'à faibles doses et l'abstrait est source d'incompréhension et d'interprétations diverses et variées. De plus l'être humain ne peut embrasser que des objectifs à taille ... humaine. Un projet gigantesque, une promesse faramineuse doivent être découpés en sous-objectifs concrets et visualisables.

2) Aidez votre mémoire !
Les mots qui parlent de choses concrètes sont beaucoup plus faciles à mémoriser que ceux qui parlent de choses abstraites parce que dès qu'on les prononcent ils font naître une image précise dans le cerveau de nos interlocuteurs à l'inverse des mots de choses abstraites. Pourquoi pensez-vous que l'on apprend la soustraction à nos enfants en prenant soin de l'illustrer de sacs de billes, de patates ou d'allumettes et non en tentant d'en expliquer le mécanisme uniquement avec des nombres et des rapports à l'addition ?

3) Soyez universel !
Ce point aurait très bien pu être abordé dans la rubrique "simplicité", mais nos auteurs l'ont rattaché à la concrétude en se basant sur le fait que pour être compris de tous, il convenait d'utiliser un langage le plus universel possible et qu'un langage universel est un langage qui fait la part belle aux choses connues de tous ; les choses concrètes ...

4) Identifiez la substantifique moelle de votre message !
N'oubliez pas que vos interlocuteurs ne savent pas ce que vous savez ! Et par la même occasion n'oubliez pas qu'il est très difficile de faire en sorte que vos interlocuteurs se rappellent de plus d'une seule chose après votre intervention. Un ingénieur doit être capable de parler de solutions et non de process. Vous devez être capable de parler concrètement de l'apport de vos solutions et non en termes génériques et vaporeux. Ce n'est pas si facile que cela, surtout lorsqu'en même temps on essaie d'être étonnant ...

5) L'exemple vaut plus qu'un discours
Non seulement, un bon exemple sert souvent à bien fixer dans les esprits l'aspect concret de vos propos, mais en plus, il permet de se conforter à un autre des 6 conseils des frères Heath, celui qui consiste à nous encourager à raconter des histoires !

Un message qui raconte une Histoire :
1) Inspirez !
Le pouvoir d'une (bonne) histoire est double : elle simule en montrant comment il convient d'agir ou comment vos actions agissent, et elle inspire en motivant vos interlocuteurs à l'action.

2) Une bonne histoire instruit et divertit !
Les raisons pour lesquelles nous sommes sensibles aux histoires résident en leur pouvoir d'associer 2 critères pas toujours compatibles : l'amusement et l'instruction. On aime tous s'instruire en s'amusant et c'est ce que nous offrent les histoires ...

3) Donnez vie à vos idées !
Les histoires donnent du contexte à vos propos, surtout lorsqu'ils sont abstraits. Elles incitent à la prise d'expérience, elles mettent en situation vos propres propos ainsi que vos interlocuteurs qui peuvent ainsi s'y projeter. Elles permettent de passer d'un état passif à un début d'activité.

4) Utilisez l'existent !
Les meilleures histoires sont celles qui durent. Il n'est pas toujours nécessaire de créer des idées, mais repérer les histoires qui portent des idées vieilles comme le monde est souvent une bonne idée.

5) Défiez, liez, créez !
Ce sont en effet les 3 moyens communément utilisés par l'immense majorité des histoires qui se basent sur des intrigues. C'est d'ailleurs ce sur quoi jouent les magazines people.

Un message qui Emeut :
1) De l'émotion plus que de la réflexion !
Il est prouvé que les messages qui nous émeuvent ont plus de poids que ceux qui nous font réfléchir. Il est plus facile de jouer sur la fibre sentimentale des individus que sur leur intellect. Les sentiments prennent plus souvent le pas sur le raisonnement.

2) Sachez créer des sentiments nouveaux !
La difficulté de cet exercice réside dans le fait que tout le monde tente de jouer sur les sentiments des autres. Pour vraiment être pertinent à ce sujet et ne pas lasser les gens en passant pour un opportuniste il faut aussi faire part d'imagination et trouver des associations d'idées les plus novatrices possibles, par exemple en évitant d'utiliser des termes par trop usités (comme sportivité, nouveauté, unicité, ...)

3) Touchez la fibre personnelle !
Nous sommes beaucoup plus émus par des histoires d'individus que par des histoires collectives. Nous sommes beaucoup plus touchés par une image d'une petite fille somalienne en train de mourir de faim devant nos yeux que par le chiffre de centaines de milliers de somaliens qui sont eux aussi en train de mourir de faim ... Ne dîtes pas "on se sent mieux grâce à ...", mais "vous vous sentez mieux grâce à ..."

4) Maslow s'est (en partie) trompé !
Nous sommes nombreux à connaître la pyramide de Maslow, celle qui hiérarchise nos besoins. Bien que personne ne remette en cause les 8 niveaux de cette pyramide, presque tous les psychologues d'aujourd'hui s'accordent pour dire que la hiérarchisation de ces besoins est une erreur et qu'ils sont tous plus ou moins complémentaires les uns des autres et que l'on peut très bien se reposer en même temps sur des besoins physiques, sécuritaires, d'appartenance, d'estime, d'apprentissage, esthétiques, d'accomplissement et de transcendance pour justifier ses actes sans que ces étapes soient nécessairement consécutives les unes des autres. Et c'est plutôt une bonne nouvelle ! Car chacune de ces étapes met en jeu des émotions différentes. En jouant sur ces émotions nous sommes quasiment certains de faire mouche quel que soit le degré de motivation de la personne avec laquelle nous tentons de partager notre point de vue.

Un message Crédible :
1) Ponctuez vos histoires de détails vivants !
Les détails rendent vos histoires pertinentes et en renforcent la crédibilité. Posez-vous la question de savoir ce qui rend les légendes urbaines si populaires ... C'est la succession de détails qui symbolisent et soutiennent le coeur de notre message.

2) Utilisez des chiffres qui parlent !
Nous avons souvent la tentation de nous appuyer sur des statistiques pour illustrer nos propos. Ce n'est efficace que si les chiffres utilisés sont compréhensibles, mesurables, comparables à des rapports de taille humaine et reliables à des grandeurs compréhensibles et frappantes pour le commun des mortels. Il faut veiller à ce que les statistiques utilisées permettent de se souvenir de la relation qu'elles ont avec le quotidien de chacun.

3) Mettez en avant des références porteuses !
Plus qu'un long discours, des références qui parlent d'elles-mêmes sont capables de convaincre les plus incrédules. La puissance des références rend votre offre des plus crédibles. Si vous avez déjà oeuvré pour les plus grands, n'hésitez-pas à le faire savoir ...

4) Incitez vos clients à vérifier par eux-mêmes !
Cela consiste à mettre en évidence des références vérifiables : demandez à vos clients d'évaluer la véracité d'une proposition, d'un slogan. Proposez leur de tester avant d'acheter : "vérifiez par vous-même : notre produit est beaucoup plus petit que celui de X !"

Un message Simple :
1) Inspirez-vous des journalistes !
Ils formulent presque toujours leurs articles selon la même règle : présenter ses informations par ordre d'importance décroissant. L'information clé est présentée le plus tôt possible de manière à ce que même si les lecteurs ne lisent pas l'article entièrement, ils sont assurés d'en saisir la substantielle moelle ...

2) Utilisez ce que les gens connaissent déjà !
Le meilleur moyen d'allier richesse et concision repose sur l'utilisation de ce que les gens savent déjà. Pensez à bien rattacher un nouveau concept, une nouvelle idée à ce que vos interlocuteurs connaissent déjà. N'est-ce pas ce que Steve Jobs a fait, en plus de créer un véritable étonnement, lorsqu'au moment de présenter son iPhone il l'a annoncé comme 3 produits bien ordinaires : un baladeur grand écran, un téléphone portable révolutionnaire, et un outil Internet décoiffant ? ...

3) Recourez à un maximum d'analogies !
Une bonne analogie va au delà de la simple illustration ; elle stimule l'innovation et la créativité. Beaucoup d'idées dont on se souvient sont celles qui nous ont été amenées sous forme de métaphore. Pourquoi nous souvenons-nous si bien de beaucoup de proverbes ? Parce que ce sont des métaphores qui mettent en scène des choses et des personnages faciles à évoquer qui ont un impact fort et durable.


Je souhaite terminer ce résumé de l'analyse de Chip et Dan Heath en vous proposant d'élire la meilleure des façons d'expliquer à vos enfants l'intérêt d'apprendre les mathématiques à l'école. Dan et Chip nous proposent 3 possibilités :

1ère solution :
Vous leur expliquez que :

  • les maths fournissent une méthode pour passer de cas particuliers à des généralités
  • les maths donnent des procédures pour manipuler des symboles afin de comprendre le monde qui nous entoure
  • les maths nous apportent un moyen de comprendre notre monde
  • les maths nous permettent de manipuler de grandes quantités de données en identifiant des structures parmi ces données
  • Les maths sont l'ensemble d'idées et de techniques pour décrire et raisonner sur les relations entre différentes quantités

2ème solution :
Vous leur expliquez que grâce aux maths :

  • vous obtiendrez votre bac
  • vous pourrez progresser petit à petit vers des connaissances plus complexes
  • vous pourrez être admis dans de bonnes universités ou écoles
  • vous acquerrez les compétences de raisonnement qui vous aideront à acheter une maison, à établir un budget, etc ...

3ème solution :
Comme un professeur de mathématiques américain, Dan Sherman, qui à la question posée par ses élèves de 4ème "quand est-ce que ça va nous servir ?", il répond : "Jamais. Vous ne vous en servirez jamais." "Comme un sportif qui soulève des haltères, ce n'est pas pour se préparer au cas où un jour il se ferait agresser dans la rue. Vous levez des haltères pour pouvoir renverser un avant au rugby, ou porter vos sacs de provisions ou prendre votre petit-fils dans vos bras sans avoir de courbatures le lendemain. Vous faîtes des exercices de maths pour améliorer votre capacité à raisonner logiquement, pour pouvoir être un meilleur avocat, médecin, architecte, gardien de prison ou parent ..."
" Les maths c'est de la muscu pour l'esprit !"

Vous utiliserez quelle solution quand votre enfant trainera des pieds pour s'intéresser aux mathématiques ? ...

3 commentaires:

  1. Bonjour,

    Merci pour cet article, très bien écrit.
    Il est tout de même dommage que ces propos ne soient pas illustrés.
    Emilie ROUVIERE

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  2. Merci pour votre commentaire.
    Si par illustration, vous entendez exemples, je vous renvois à l'ouvrage des frères Heath qui en regorge
    Si vous auriez souhaité plus d'images pour accompagner cet article, je ne suis pas loin de penser comme vous ...

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  3. excellent ! je le relis ! merci bp

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