mercredi 6 novembre 2013

Des innovations qu'il faudra bien digérer

Le cabinet américain McKinsey a récemment publié une étude prospective visant à identifier les secteurs technologiques qui grâce à leurs innovations pourraient, sinon transformer le monde, mais en tout cas créer de la richesse économique dans les 10 années à venir. Les transformations induites par ces technologies seront d'ailleurs probablement plus liées à l'organisation de la société autour d'elles qu'aux nouveaux usages qu'elles permettront. En effet, les évolutions attendues dans les 12 domaines identifiées par les analystes de McKinsey, seront certes génératrices de nouvelles perspectives économiques, mais elles seront également à l'origine de la disparition d'emplois qu'elles auront rendu obsolète. En somme, rien de bien nouveau, juste la répétition de ce que l'humanité a connu depuis fort longtemps : l'évolution ...

Les 12 secteurs innovants identifiés par McKinsey sont potentiellement générateurs de richesses très importantes qui se chiffrent en milliers de milliards de dollars par an.

  • Internet mobile : accroissement des capacités et baisse du coût de la connectivité entre Internet et les terminaux mobiles --> un business de 3 700 à 10 800 milliards de dollars / an d'ici 2025 (de 5 à 15% du PIB mondial !)
  • Automatisation du travail intellectuel : création de logiciels et de système intelligents aux capacités de jugement et de traitement de la connaissance affinées (Intelligence Artificielle) --> un business de 5 200 à 6 700 milliards de dollars / an d'ici 2025
  • Internet des objets communicants/connectés : création de réseaux de capteurs à bas prix collectant des données, les analysant et permettant d'agir en fonction --> un business de 2 700 à 6 200 milliards de dollars / an d'ici 2025
  • Informatique de nuage (cloud) : système d’hébergement des fichiers et services sur des serveurs distants --> un business de 1 700 à 6 200 milliards de dollars / an d'ici 2025
  • Robotique avancée : des robots aux sens, à la dextérité et à l’intelligence améliorés, utilisés pour automatiser davantage de taches --> un business de 1 700 à 4 500 milliards de dollars / an d'ici 2025
  • Véhicules autonomes : véhicules capables de se déplacer avec peu ou sans intervention humaine --> un business de 200 à 1 900 milliards de dollars / an d'ici 2025
  • Génomique nouvelle-génération : séquençage du génome amélioré, plus rapide et à moindre coût, grâce aux innovations dans l’analyse des données et la biologie synthétique --> un business de 700 à 1 600 milliards de dollars / an d'ici 2025
  • Stockage de l’énergie : systèmes et terminaux capables de stocker l’énergie en plus grande quantité et plus longtemps (essentiellement l'électricité) --> un business de 100 à 600 milliards de dollars / an d'ici 2025
  • Impressions 3D : technique de fabrication qui consiste à créer des objets de type prototypes depuis un modèle numérique en superposant de fines couches de matériaux --> un business de 200 à 600 milliards de dollars / an d'ici 2025
  • Matériaux avancés  : matériaux aux caractéristiques et fonctionnalités supérieures (dureté, résistance, durabilité, élasticité, conductivité...) --> un business de 200 à 500 milliards de dollars / an d'ici 2025
  • Exploration et forage avancés : techniques permettant l’exploitation de ressources pétrolifères et gazières jusqu’alors inaccessibles --> un business de 100 à 500 milliards de dollars / an d'ici 2025
  • énergies renouvelables : génération d'électricité à partir de sources renouvelables ayant un impact limité sur le climat --> un business de 200 à 300 milliards de dollars / an d'ici 2025
Associées les une aux autres, ces innovations auront bien entendu un impact direct sur les capacités globales de l'être humain. Capacités à être plus efficace mais aussi à l'être plus longtemps. Des maladies seront évitées, des handicapées retrouveront leur motricité, l'apprentissage sera amélioré, l'espérance de vie sera prolongée (on parle même d'immortalité ...). Toutes ne concerneront pas les individus et les organisations au même niveau, mais on peut tout de même s'arrêter sur quelques impacts marquants.

En 2025 :

- Il ne coûtera que 100$ et 1 heure de travail pour décrypter un génome humain
- 1.5 million de décès causés par des accidents de la route pourront potentiellement être évités grâce à l'usage de véhicules autonomes
- 2 à 3 milliards de personnes supplémentaires auront accès à Internet
- La production de pétrole aux Etats-Unis et au Canada pourrait être accrue de 100 à 200% grâce à la fracturation hydraulique et aux forages horizontaux
- La part des énergies solaire et éolienne pourrait atteindre 16% de la production globale d'électricité


Ces innovations, toujours d'après McKinsey, toucheront aussi bien les pays développés que ceux en voie de développement. Certaines impacteront d'ailleurs plus ces derniers :
 
  • Internet mobile : 50% pays développés / 50% pays en voie de développement
  • Automatisation du travail intellectuel : 80 - 20
  • Internet des objets communicants/connectés : 70 - 30 
  • Informatique de nuage (cloud) : 30 -70
  • Robotique avancée : 80 - 20
  • Véhicules autonomes : 80 - 20
  • Génomique nouvelle-génération : 80 - 20 
  • Stockage de l’énergie : 60 - 40
  • Impressions 3D : 60 - 40
  • Matériaux avancés  : 90 - 10
  • Exploration et forage avancés : 80 - 20 
  • énergies renouvelables : 20 - 80
Comme toute évolution, comme tout changement, ces innovations seront conformes au principe déjà énoncé par Schumpeter dès 1942 et baptisé "destruction créatrice". Nous devons nous y préparer. Tout comme l'invention de l'automobile a fait disparaitre des métiers liés au cheval, et le téléphone disparaitre les télégraphistes, et le e-commerce disparaître les caissières, la nature de nombreuses taches va changer, et des millions de personnes devront acquérir de nouvelles compétences. 
 Mais les experts de McKinsey souhaitent nous faire part de leur inquiétude de voir dans la décennie à venir un bouleversement majeur de la société lié à l’essor important de l’automatisation qui accroitrait le chômage et creuserait les inégalités entre les travailleurs très qualifiés et ceux qui auront reçu une formation de moindre qualité. Des métiers, aujourd'hui considérés comme essentiels, pourraient être remis en question, voir disparaître :
  • Les professeurs : que deviendront-ils lorsque les logiciels d’apprentissage seront si performants qu’ils seront considérés comme plus efficaces et moins chers ?
  • Les médecins et chirurgiens : que deviendront-ils lorsque des capteurs implantés dans notre corps nous tiendront au courant de notre état de santé et que des machines se chargeront de vous opérer ?
  • Les femmes de ménages et aides aux personnes : que deviendront-ils lorsque des robots domestiques pourront remplir la plupart de leurs taches ?
  • Les ouvriers, manutentionnaires et ingénieurs : que deviendront-ils lorsque l’automatisation du travail manuel et intellectuel les aura remplacés ou que l’imprimante 3D aura détruit certains écosystèmes industriels ?
  • Les chauffeurs de taxis, de bus ou de camions : que deviendront-ils lorsque les voitures seront autonomes ?
Ces innovations ne sont pas de la science fiction. Elles sont bien réelles. Elles sont génératrices de croissance et de progrès. En tous les cas selon les standards qui sont les nôtres depuis fort longtemps. Certaines seront brutales. A nous, à nos dirigeants, de les intégrer au mieux à notre écosystème social.