lundi 2 juillet 2012

Le marketing de la tomate, ou les difficultés de suivre une ligne de conduite ...

J'ai entendu ce matin à la radio un chroniqueur qui montait au créneau pour dire combien il trouvait aberrant que nous voulions et puissions consommer n'importe quel fruit, n'importe quel légume à n'importe quelle période de l'année. Il insistait donc sur le fait que consommer des tomates en plein hiver (au passage, j'en avais presque oublié que les tomates étaient effectivement des fruits de saison ...) était à la fois un non sens gustatif (elles sont farineuses et molasses en hiver), un non sens économique (elles sont beaucoup plus chères en hiver), et un non sens écologique (venant de très loin, leur empreinte carbone est beaucoup plus élevée en hiver). Je me suis immédiatement dit, qu'il n'avait pas tord, et que ce n'était sans doute pas faire preuve de beaucoup de citoyenneté ni d'un goût culinaire très prononcé que de consommer des tomates n'importe quand dans l'année. Une envie de me comporter dorénavant  comme un bon citoyen, respectueux de ma planète tout autant que de moi-même m'envahit soudain. Et puis, pendant les minutes qui suivirent, mon côté très cérébral ne put m'empêcher d'analyser un peu plus en profondeur cette situation en me faisant m'interroger sur le bien fondé du "consommer local et de saison". Et si ce n'était pas si trivial que cela finalement ?

Si on suit cette logique, celle du consommer local et de saison, on peut par exemple très rapidement arriver aux conclusions suivantes :

  • seuls les bretons pourront consommer des artichauts (quoi qu'il faudrait m'expliquer pourquoi les artichauts sont une spécialité locale bretonne ...),
  • on ne mangera plus d'ananas en France métropolitaine,
  • le vin français ne devra qu'être consommé sur place,
  • on ne mangera plus que du poisson qui veuille bien s'approcher suffisamment près de nos côtes,
  • on ne mangera plus que des tomates farcies en plein été (pourquoi pas ?),
  • les huitres ne pourront être dégustées que par les habitants qui se trouvent à moins de 25 km d'un parc à huitres,
  • ...
Et si l'on pousse ce raisonnement à d'autres secteurs que l'alimentaire, on peut tout aussi bien aboutir à des idées plus ou moins moralisatrices, toujours dans le but de consommer local et au bon moment, du genre :
  • les diamants sont réservés aux seuls habitants de l'Afrique du Sud,
  • seuls les pays qui sont situés sur l'équateur peuvent envoyer des satellites dans l'espace,
  • les pays qui n'ont pas de forêt ne peuvent pas utiliser de bois,
  • les sports d'hiver sont réservés aux savoyards,
  • on réserve la promenade des anglais aux niçois l'été ...
  • ...
J'avais très envie d'être un bon citoyen, de manger local et de saison, mais finalement ce n'est peut être pas si facile que ça ... Il s'arrête où mon local à moi ? Mon été n'est-il pas l'hiver pour d'autres, et vice-versa ? Et puis, vous savez bien qu'il n'y a plus de saisons et que le climat est en train de changer. Non, croyez-moi si vous voulez, mais il est peut-être plus facile de continuer de manger des tomates toute l'année que de vouloir à tout prix être un bon citoyen ...

2 commentaires:

  1. Et si une réponse à vos interrogations se trouvait dans l'idée d'un retour à la lenteur ?
    Il y a, me semble-t-il, une vraie différence entre convoyer des ananas et/ou des haricots verts par avion et transporter des diamants et/ou du bois par voilier. Non ?
    De même que considérer qu'il est "vital" de passer un week-end aux Seychelles n'a pas le même impact que de prendre un congé sabbatique de 6 mois pour découvrir le monde.
    Cordialement. Gilbert Josse

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  2. la notion de "consommer local" est de plus en plus présente en agroalimentaire. Mais beaucoup de consommateurs ne savent pas d'où viennent les produits qu'ils consomment et seule une infime partie sera prête à se passer de ce qui fait notre quotidien...les amaps achètent des fruits et des légumes à des grossistes car une fois que le consommateur/client a mangé toutes les semaines de tout l'hiver les mêmes légumes...et bien il s'en lasse et repart faire ses courses ailleurs.
    Le local oui, mais on peut aussi consommer du local "d'ailleurs", tout en raisonnant en réduction de carbone, en consommant sans gaspiller, en développant aussi d'autres productions...on ne vivra pas en autarcie de toute façon

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