Il y a sans doute eu un sujet polémique qui n'aura probablement pas manqué de pimenter nombreux repas de famille en cette période de fêtes tout juste digérées : la démondialisation. L'année qui débute étant en France, élections présidentielles obligent, riche en réflexions, prises de positions et promesses plus ou moins affutées, tout à chacun devrait être en mesure de se faire une opinion sur le sujet. Oui, mais voilà, de quoi parle-t-on exactement ? Entre démondialisation, libre-échange, crises économique et bancaire planétaires, protectionnisme, délocalisation, relocalisation, consommation responsable, compétitivité, pouvoir d'achat, souveraineté et communautarisme, nous ne savons plus trop sur quel pied danser ...
Le paradoxe français
Il me parait important tout d'abord de constater que la France est victime d'un véritable paradoxe.
D'un côté les économistes les plus éclairés font le constat que l’offre française est devenue trop moyenne gamme, et donc soumise à une intense concurrence. Cette banalisation de notre offre, notre manque de créativité en quelque sorte, s'est malheureusement accompagnée d'une baisse de compétitivité en matière de coût : l'heure de la main d'oeuvre industrielle vaut aujourd'hui 35,70 euros dans l’Hexagone, presque 3 euros de plus qu'en Allemagne. La France a perdu l’avantage de la compétitivité de ses prix. En dix ans, elle a vu fondre le tiers de ses parts de marché vers les autres continents au profit des grands exportateurs de la zone euro. Le creusement de notre déficit commercial à plus de 57 milliards d’euros n'en est que le résultat. Il ne nous reste plus que deux postes excédentaires : l’agroalimentaire et le tourisme. La part de l’industrie dans l’Hexagone n’est plus que de 16 % du produit intérieur brut, alors qu’elle est de 22 % en moyenne dans l’Union européenne, de 30 % en Allemagne et de 28 % en Finlande.
Et d'un autre côté, il est communément reconnu que les produits "Made-in France" qui s'exportent le mieux sont les produits de luxe. C'est d'ailleurs fort de ce constat que les labels "Made in France", puis "Origine France garantie" ont été créés en mai dernier, mais nous ne pouvons que regretter que leur promotion soit bien timide ...
Des marques qui doivent être régionales
La tentation est donc grande de vouloir appliquer à l'intérieur de nos frontières la recette qui semble le mieux fonctionner en dehors. Il ressort d'ailleurs, d'après un sondage TNS Sofres de 2010, que le "Made-in France" est, au près des français, un véritable gage de qualité, de respect de la réglementation, de meilleur respect de l’environnement et de soutien de l’emploi français. Oui mais voilà, ceci ne semblerait fonctionner que pour une infime partie des produits consommés, les produits de luxe donc, qui malheureusement vont à l'encontre d'une tendance par ailleurs de plus en plus audible autour de nous : celle de la consommation responsable qui privilégie les produits utiles, leur qualité sanitaire et leur proximité géographique. D’après l’Ademe, les ventes de produits labellisés AB ont par exemple progressé de 43% dans les grandes surfaces entre 2009 et 2010, et un Français sur deux estime qu’un produit durable doit être fabriqué localement afin de favoriser le développement de l’emploi local et les économies de transport. On parle donc ici de consommation éthique et de son corolaire ; les marques régionales. D'ailleurs le marché français des produits du terroir croît de 5 à 10% par an. Les crises alimentaires de ces dernières années ainsi qu'une certaine prise de conscience environnementale ont grandement contribué à cet essor.
Après la délocalisation, la relocalisation
Cette recherche d'authenticité et de circuits courts a d'ailleurs conduit nombre d'entreprises françaises qui avaient cédé à un moment ou un autre aux chantres de la délocalisation, à revoir ces dernières années leur organisation industrielle en relocalisant tout ou grande partie de leurs productions. Les hausses du prix du pétrole et des coûts de production ont en effet rendu la production en Asie moins compétitive. Il s'est également agit de vouloir mieux maîtriser sa production (réduction des délais de livraison, maîtrise de la qualité, sécurité...) et réduire ses stocks, mais aussi, ne nous le cachons pas, de bénéficier des mesures fiscales incitatives (crédit impôt recherche...) et de surfer sur la sensibilité du consommateur au «produit local» ainsi que de mieux protéger ses brevets.
Une équation complexe
Finalement, la solution réside peut-être dans la capacité des entreprises à cultiver leur agilité pour être capable de passer d’un marché à l’autre, pour s'adapter à des demandes qui feront de plus en plus la part belle à la réactivité, aux services associés et à la proximité. Il faut sans doute que les plus gros groupes recherchent un équilibre entre, d’une part, une direction centrale forte, source de synergies, dans le pays d’origine, et d’autre part, de vrais contre-pouvoirs suffisamment autonomes pour faciliter les initiatives locales dans les autres pays, et que les entreprises plus petites réussissent à trouver les niches délaissées par les plus gros et nécessitant un savoir-faire qui en limitera l'accessibilité.
Hier, maîtriser l’innovation et disposer des ressources les plus appropriées suffisait pour être performant. Aujourd’hui, il faut tenir compte des marchés, de la raréfaction des ressources énergétiques ou des matières premières, du poids des actionnaires, des ONG, des régulateurs, des Etats et des régions, des taux de changes, des taxes, de la diversité des cultures ... L’équation est complexe et sa solution repose probablement sur des approches qui privilégieront l'authenticité et l'interaction avec des consommateurs de plus en plus avertis mais en même temps de plus en plus diversifiés.
Faire du local gobal ou du global local ? ...
La glocalisation (contraction de global et de localisation) apparait de plus en plus comme une bonne carte à jouer. Le global fait peur, car il renvoie à l’image des délocalisations, à la crise économique mondiale, et de ce fait au risque de chômage et de déclassification, mais il reste prometteur en matière de taille de marchés et de compétitivité. Le local rassure et devient signe de confiance et de bonheur retrouvé ; envie de redonner du sens à sa consommation, de chercher du lien social, de retrouver le goût de l’original, mais il apparait comme un retour en arrière contre des forces trop fortes pour lui. La glocalisation, ou comment valoriser nos productions locales et nos spécificités sans se couper des apports et des ouvertures étrangères, serait-il le moyen de redynamiser la production "Made-in France" ?
37 euros l'heure de travail, d'ou tenez vous ce chiffre? comment est-il calculé?
RépondreSupprimerExcusez-moi, il n'est pas de 37, mais de 35,7€ (industrie manufacturière). Je rectifie. Il s'agit des derniers chiffres publiés par Eurostat (Coe-Rexecode)
RépondreSupprimerhttp://www.coe-rexecode.fr/public/Indicateurs-et-Graphiques/Tableaux-de-bord-de-la-politique-economique/Indicateurs-trimestriels-du-cout-moyen-de-l-heure-de-travail-en-Europe/Les-couts-de-la-main-d-oeuvre-dans-l-Union-europeenne-au-troisieme-trimestre-2011
A l'heure de la mondialisation et de la zone de libre-échange dans l'union européenne cela me paraît bien tard pour faire du protectionnisme ou de la préférence nationale !
RépondreSupprimerCeci dit c'est vrai que nous sommes en période électorale et que ce discours en séduira plus d'un sur le papier !
Il aurait été plus judicieux d'harmoniser la fiscalité des états membres avant de passer à l'Euro, nous aurions moins détruit d'emplois, transférés dans des pays membres ou la fiscalité et le niveau de vie des populations sont plus accueillants !
De toute façon :
Sommes-nous en mesure de fournir 100% de la demande nationale ?
Combien d'emplois dépendent du commerce de produits manufacturés en dehors de notre frontière ?
Je vous invite à conserver à l'esprit que les sociétés françaises important/distribuant des produits étrangers créent de la richesse en France (salaires, taxes, impôts ... j'en passe et des meilleurs) et que tout ceci soutien pour partie la consommation, donc l'économie de notre pays.
De plus, bien que nous préférerions un produit français, à l'heure de l'achat sommes-nous réellement disposés (ou en capacité) de payer 10, 20 ou 30 % plus cher ?
Sans oublier nos relations commerciales avec nos partenaires étrangers si l'utopie du made in France venait à faire trop de tapage dans les médias.
Vu que nous importons mais que nous sommes également exportateurs dans certains secteurs, il faudra expliquer notre logique à nos clients étrangers à l'heure de la négociation de nos marchés à l'export !
Bref, une bien belle idée mais une mise en application tout bonnement impossible car arrivant 20 ou 30 ans trop tard.
Je vous rejoins : pour que cela ait une chance de marcher, il ne faut pas faire du "Made in France" pour les français mais bien pour l'export !
RépondreSupprimerBonjour
RépondreSupprimerQuand on regarde le coût de travail, on ne regarde pas la composition de 35€. Ce n'est pas que le cout du SMICard chargé, ça inclut un nombre de facteur important sur lesquels il faudrait se pencher.
La délocalisation n'est pas un pas un problème de coût du travail mais de soif de marge. Il n'y a plus de rapport entre prix de revient et prix de vente.
C'est la boulimie du capitalisme qui entraîne cette destruction.
Le "made in france" est un leurre puisqu'il suffit d'avoir 40% de Valeur ajoutée française pour y prétendre.