Mythe ou réalité ? Les industriels programment-ils les produits qu'ils conçoivent pour une durée de vie volontairement limitée ? Les avis sont partagés. Les uns militent pour, effectivement, une forme de consumérisme qui friserait le complot (voir la vidéo http://www.youtube.com/watch?v=0VwCPQ7iLwc), alors que d'autres, plus modérés, peut-être plus optimistes (certains les traiteront de naïfs ...), pensent que cette obsolescence si souvent pointée du doigt n'est que le fruit d'une évolution de nos envies, de nos habitudes et de notre mode de vie, au contraire plutôt mal contrôlés ...
Wikipedia semble lui aussi quelque peu partagé sur le sujet. Il nous donne une définition qui semble d'emblée pointer le côté organisé et volontaire de l'obsolescence : "L'obsolescence programmée (aussi appelée « désuétude planifiée ») regroupe l'ensemble des techniques visant à réduire la durée de vie ou d'utilisation d'un produit afin d'en augmenter le taux de remplacement. La demande ainsi induite profitera au producteur, ou à ses concurrents – ce qui explique certains cas de cartels.", mais la suite de la définition nous amène tout de même à s'y pencher de plus prêt :"Cette stratégie n'est pas sans risques : elle implique un effort de recherche et développement, n'allant pas toujours dans le sens d'une amélioration du produit. De plus, elle fait courir un risque à la réputation du fabricant (son image de marque) ; enfin, elle implique un pari sur les parts de marché futures de la firme (sur les produits de remplacement)."
Si volonté il y a de la part des industriels de limiter la durée de vie de leurs produits, ils prennent effectivement d'énormes risques. Dans un monde où semble s'être installée une véritable bipolarité entre ceux qui, d'un côté, se positionnent sur le registre du "low cost", et ceux qui, de l'autre, promettent que leur produit, certes plus cher, est le plus fiable et le plus robuste, je ne vois personnellement pas de place pour cette "désuétude planifiée". Je ne pense pas que les industriels "low cost" aient les moyens de réfléchir et de mettre en place les solutions pour programmer une quelconque fin de vie. Je ne crois pas que ceux qui se positionnent sur des gammes supérieures, aient intérêt à jouer sur ce terrain de la fiabilité qui reste, dans bien des cas, le seul qui leur permet de tirer leur épingle du jeu.
N'est-ce pas une vue de notre esprit sempiternellement habitué au "c'était mieux avant" que de penser que les biens d'aujourd'hui durent moins longtemps ? Pensez-vous qu'une voiture de moyenne gamme d'il y a 40 ans avait la moindre chance de rouler plusieurs centaines de milliers de kilomètres, alors que son moteur nécessitait beaucoup plus d'entretien que ceux d'aujourd'hui, s'essoufflait passablement au bout de la première centaine de milliers de kilomètres et que ses tôles rouillaient et perçaient inévitablement après 10 années de bons et loyaux services ?
Et pourtant, force est bien de constater que nous sommes amenés à nous séparer de nos biens sans doute beaucoup trop vite. La durée de vie moyenne d'un téléphone portable, ou plutôt devrais-je dire la durée de possession d'un téléphone portable , n'excède pas 18 mois, bien avant que sa véritable durée de vie, au sens fonctionnel, n'arrive à son terme. Nombre de ces appareils dorment dans nos tiroirs après quelques mois de bons et loyaux services, certains patientant sur les étagères virtuelles de sites de ventes en ligne, dans l'espoir de retrouver une seconde vie ... Et ce ne sont pas les ingénieurs de chez Apple, Samsung et consorts, qui ont programmé cette pauvre vie pour des objets que nous chérissons pourtant énormément. Si programmation il y a dans cette obsolescence beaucoup trop rapide, elle n'est pas à imputer aux fabricants. En tous les cas pas dans le sens où certains voudraient bien nous emmener ...
L'obsolescence programmée est le résultat malencontreux de trois facteurs qui, petit à petit, années après années, ont contribué, chacun à leur juste valeur, à cet état de fait que plus personne ne semble vouloir remettre en question malgré les quelques voix (de plus en plus nombreuses ?) qui s'élèvent de ci de là en pointant l'énorme gâchis environnemental et sociétal engendré au passage.
Le premier facteur ayant contribué à l'avènement de l'obsolescence programmée est le marketing. Hou le vilain ... Il nous a appris à en vouloir toujours plus, nous a donné envie d'acheter les centaines de nouveaux produits qui sortent chaque jour, a rendu notre dernier achat immédiatement dépassé et a fourni des armes imparables aux industriels pour nous faire rêver et surtout que ce rêve ne s'arrête jamais.
Le second facteur se niche dans la technologie. Mais pas en pensant que l'électronique peut être programmée pour une durée de vie bien précise, mais parce qu'elle évolue beaucoup trop vite et rend ainsi le système d'hier aussitôt supplanté par celui d'aujourd'hui en offrant des fonctionnalités inégalées que l'on ne pensait pas possible jusqu'à présent. Toutes les industries ont leur fameuse loi de Moore qui stipule qu'à intervalle régulier une technologie double ses performances pour un coût identique (18 mois pour l'informatique).
Le troisième facteur se cache dans notre système économique et plus précisément dans l'extrême facilité avec laquelle nous, consommateurs, avons accès à l'emprunt. Depuis des décennies maintenant, notre pouvoir d'achat est artificiellement gonflé et nous pouvons depuis longtemps accéder à des biens même si nous n'en avons pas réellement les moyens. Plus besoin d'économiser pour s'offrir la dernière version de tel ou tel appareil high-tech. Plus besoin d'attendre que ses économies aient été renflouées pour pouvoir remplacer sa vieille automobile ... Les banques sont là pour nous permettre l'achat que le marketing et la technologie nous ont conjointement livré sur un plateau.
Non, l'obsolescence n'est pas programmée, elle est conditionnée.
Bonjour Thierry,
RépondreSupprimerl'obsolescence programmée pourrait toutefois être une solution pour aider des secteurs en difficulté. Attention : je ne prétends pas que ce soit une bonne méthode.
Exemple : l'automobile. Les constructeurs français voient leurs ventes limitées sur le marché national (ou européen) par la saturation du parc. Donc soit ils exportent (mais c'est plus cher que de produire à l'étranger pour des marchés locaux), soit ils réduisent les effectifs.
En effet, dans un marché saturé, inutile de produire plus de voitures que le nombre d'automobiles qui vont à la casse.
Mais si l'Etat impose de réduire la durée de vie des voitures à 5 ans (ce qui revient à une obsolescence programmée), il faudra plus de voiture produites chaque années pour compenser l'augmentation durable du nombre de voitures retirées du marché. Et donc plus d'emplois.
C'est une solution simpliste, certes, car le budget des ménages n'est pas élastique. Mais elle a le mérite d'être très innovante !
SG
L'obsolescence conditionnée oui, mais encore ...
RépondreSupprimerRevenons d'abord sur le "vilain marketing". Faut-il rêver et faire rêver de solutions plus simples et qui facilitent la vie ? Faut-il acheter systématiquement le dernier équipement qui vous plait ? L'affreux responsable marketing ne fait que révéler ce qui nous fait rêver ... ce n'est pas lui qui signe le chèque ou qui s'endette. Soyons un peu adulte et responsable de soi. Assumons nos envies.
Deuxième point: La technologie et l'obsolescence programmée. Pour avoir longtemps travaillé dans ces domaines technologiques sur des produits petite et grandes séries, l'obsolescence programmée couterait très cher. Pour les raisons évoquées par Thierry dans son article, mais aussi simplement car il faudrait l'insérer dans le cahier des charges et donc l'étudier en tant que telle ! Par contre la qualité du produit et les segments de marchés visés (cout de vente) influent forcement sur les solutions et les composants des solutions, en électronique comme ailleurs ... Réduisez (trop) les couts de certains éléments et la qualité du sourcing, et bien "involontairement" vos produits auront une durée de vie plus courte ... Certains secteurs, souvent pour des aspects sécuritaires (sécurité, sureté, espace ...) cherchent à réduire le risque et dans ce cas spécifient très exactement ce qu'ils ne veulent pas ou des durées importantes d'utilisation (dizaines d'années, 40 ans pour structures les avions et les navires ...). Décider d'avoir un téléphone (pas un smartphone), pour uniquement téléphoner et qui dure 10 ans, ne poserait pas de vrai problème.
Troisième point (pour différencier): les contraintes sociétales. Nous sommes au 21ieme siècle et nous (globalement) n'acceptons plus certains faits arbitraires (ie manque de sécurité) ou justifiés (ie destruction des écosystèmes). Alors pour satisfaire ces besoins, nous avons des airbags et des systèmes d'aides au freinage dans les voitures, nous avons des pots catalytiques ou à particules, des économètres dans nos automobiles par exemple. Est-ce un bien ? Probablement. Est-ce une nécessité ? Probablement pas toujours (risque accepté vs sécurité). Où est le choix de l'individu et son libre arbitre ?
Obsolescence programmée, par les uns et les autres, non je n'y crois pas (fortement). Mais choix adulte des consommateurs, oui il faut le souhaiter, même s'il reste un long chemin à accomplir. Par comparaison, entrepreneurs et industriels établissent leurs choix pour définir ce que font et ne font pas leurs sociétés ou entreprises, et avec quels moyens. Ils en sont responsables. En tant que consommateurs, n'oublions pas que nous pouvons faire de même et donc choisir d'assumer nos décisions. Les bonnes et les mauvaises.
Merci Stéphane et Pascal pour vos apports respectifs.
RépondreSupprimerNous voyons donc par certains côté certaines formes d'avantages à l'obsolescence sinon programmée, en tout cas souhaitée ...