mardi 29 novembre 2011

Mais au fait, on se différencie comment ? ...

Il n'existe pas moins de 37 pistes pour différencier son offre de celles de ses concurrents. C'est en tous les cas le nombre de sujets, que j'ai recensés, susceptibles d'être analysés par des clients au moment de leur acte d'achat. Oui, il y a bien au minimum 37 critères différents de sélection d'un produit ou d'un service, et donc autant de pistes à creuser pour différencier son offre et la rendre plus remarquable que l'offre de son voisin.
Je vous propose ici de lister ces 37 éléments potentiellement différentiateurs, que l'on peut regrouper en 6 grandes catégories : les critères liés au produit, les critères liés aux services associés, les critères liés au personnel, les critères liés au lieu de vente, les critères liés à l'image, et les critères liés aux prix.
L'ensemble de ces critères de différenciation n'est que le résultat des différentes attentes des acheteurs / consommateurs tout au long de l'ensemble de leur expérience d'achat et d'utilisation du produit souhaité.

Critères de différenciation liés au produit
Il s'agit ici d'identifier par quels biais un produit, ou un service peut attirer l'attention sur lui et être choisi plutôt qu'un autre, uniquement à travers ses qualités intrinsèques.

1. Sa forme
Taille et format des contenants comme des contenus peuvent être des critères déterminants lorsque l'acheteur sera contraint par des espaces restreints ou qu'il souhaitera disposer de plus de produit pour un contenant donné.
2. Son style
De nombreuses marques ont su imposer leur style et le rendre reconnaissable parmi cent. On reconnaîtra un ordinateur Apple sans hésitation grâce à son style.
3. Sa qualité perçue
Le niveau de finition d'un produit ainsi que son apparente robustesse sont des critères que beaucoup de clients placent au sommet de leurs critères de sélection. Ces dernières années, les constructeurs automobiles ont porté une attention toute particulière au bruit des portières de leurs voitures ...
4. Ses fonctionnalités
C'est ici que les notions de standardisation, d'options ou de personnalisation trouvent leurs raisons d'être. Mais attention, le plus peut être ici l'ennemi du bien : comment en effet expliquer le succès de l'Ipad qui se passe du fameux port usb ? ...
5. Sa performance
Je ne sais plus à combien de millions de pixels les appareils photos grand public en sont aujourd'hui. Voici un exemple de performance d'un produit avec lequel les constructeurs ont su parfaitement attirer l'attention des consommateurs.
6. Sa facilité d'utilisation
Un produit réputé facile à utiliser aura toutes les chances de retenir beaucoup plus facilement l'attention qu'un autre produit aux fonctionnalités identiques mais plus difficile à manipuler.
7. Sa conformité
Il s'agit ici de rendre son produit conforme soit à sa réputation, soit à ses spécifications annoncées, soit à des normes à respecter. On pensera ici à minimiser au maximum les nuisances que le produit est susceptible d'occasionner pendant son utilisation, mais aussi au moment de sa mise au rebut ...
8. Sa durabilité
Il convient ici de parler de durabilité technique (la durée de vie d'un produit liée aux caractéristiques mécaniques de ses composants), mais aussi de durabilité psychologique (liée à des phénomènes de mode). Sans doute pouvons-nous reconnaitre au passage que la durée de vie d'un produit est de nos jours moins importante aux yeux des consommateurs qu'elle ne pouvait l'être il y a quelques années.
9. Sa fiabilité
Faire en sorte qu'un appareil ne tombe pas en panne pendant sa durée de vie. Voilà bien un objectif vers lequel les techniques de conception et de fabrication modernes nous ont permis d'aller.
10. Sa réparabilité
Comment faire lorsqu'un produit tombe en panne ? Peut-on le rendre réparable par l'utilisateur lui-même ? Offre-t-on un échange standard ? Quid de la période de garantie ? Autant de questions sur lesquelles un fabricant peut tenter de faire la différence.

Critères de différenciation liés aux services associés
Lorsque le produit se retrouve banalisé ou que les attentes du marché vis-à-vis de ses 10 critères intrinsèques listés précédemment ne sont pas suffisamment exigeantes, on peut se tourner vers les services associés pour bâtir une offre plus alléchante :

11. Sa facilité de commande
Le temps nécessaire, le nombre d'interlocuteurs, le degré d'autonomie de l'acheteur, sont autant de critères qu'il convient d'optimiser pour satisfaire au mieux sa clientèle.
12. Sa livraison
Raccourcir les délais, respecter ses engagements et rendre le plus agréable possible l'acte de livraison sont également des paramètres qui comptent aux yeux des clients et qui contribuent à la plus ou moins bonne réputation d'un fabricant ou d'un distributeur.
13. Son paiement
Proposer des solutions et des modes de paiement adaptés aux circonstances et aux clients peut être perçu comme une forme d'écoute, de compréhension, voir d'empathie qui feront marquer des points à l'entreprise qui aura su faire preuve de flexibilité en la matière. Pourquoi ne pas mettre en place des moyens de troque ? 
14. Son installation
Il s'agit ici bien entendu de faire en sorte que le produit soit opérationnel le plus rapidement et le plus simplement possible, mais également à penser à son éventuel déménagement.
15. La formation du client
Un élément clé pour tout un tas de produits et services qui nécessitent un transfert de connaissances pour tirer le meilleur parti possible des fonctionnalités promises.
16. Le conseil
Des informations avant, pendant et après la vente peuvent s'avérer cruciales en particulier dans le domaine du Business-to-Business, mais pas uniquement :  les guides de comparaison de la FNAC sont une parfaite illustration du conseil prodigué par des spécialistes à des clients réputés néophytes.
17. Sa réparation
Certains domaines sont plus sensibles que d'autres à ce critère et il convient par exemple de se pencher sérieusement sur la possibilité et la nécessité d'offrir des services de réparation 7j/7

Critères de différenciation liés au personnel
L'amabilité, la disponibilité, la rigueur et la compétence des différents intervenants de l'entreprise sont des facteurs clés qu'il convient de traiter avec tous les égards.

18. La compétence
Disposer du savoir-faire nécessaire pour vendre, conseiller et assister. La maîtrise de langues étrangères pourra être reconnue comme un plus le cas échéant ...
19. La courtoisie
Considérer le client comme respectable.
20. La crédibilité
Se montrer digne de confiance.
21. La fiabilité
Etre régulier et précis dans ses actes de prestation.
22. La serviabilité (ou la sympathie)
Se montrer capable d'en faire plus et d'afficher une certaine complicité.
23. La qualité de communication
Ecouter et s'exprimer le plus clairement possible.

Critères de différenciation liés au lieu de vente
Faire en sorte que son produit soit le plus accessible possible et le mieux valorisé possible, font partie des avantages concurrentiels qu'il convient de maîtriser.

24. Ses propres lieux de vente
Dans le cas de ventes directes sans intermédiaire, les magasins doivent refléter les caractéristiques intrinsèques des produits vendus. Il convient également de considérer son usine comme un véritable lieu de vente, surtout lorsqu'on est amené à la faire visiter.
25. Son réseau de distribution
La performance, le degré de couverture et l'expertise de son réseau de distribution doivent être contrôlés en permanence et adaptés en fonction des attentes des clients.
26. Ses moyens de vente par correspondance
Internet a révolutionné les techniques de vente par correspondance. Un site de vente en ligne se doit d'être irréprochable et d'être pensé comme un véritable service supplémentaire offert à ses clients.

Critères de différenciation liés à l'image
Même lorsque les produits concurrents sont très proches les uns des autres par leurs valeurs intrinsèques, certains arrivent à tirer leur épingle du jeu beaucoup mieux que d'autres. Cela tient à l'image qu'ils ont su imposer au fil du temps.

27. Précurseur, pionnier
Celui qui jouit d'une certaine antériorité pourra se créer une image valorisante de pionnier que personne ne pourra jamais égaler, à tord ou à raison ... Il s'agit ici de se construire une réputation d'entreprise innovante.
28. Proximité
Il s'agit ici d'associer une image d'écoute et de réponses aux problématiques de ses clients.
29. Jeunesse, dynamisme
Se faire reconnaitre comme une entreprise à la pointe des dernières technologies ou des services orientés jeunes publics.
30. Humour, décalé
Parler de ses produits sur un ton unique, limite provoquant ou sous forme de dérision peut être un moyen de se démarquer efficacement. Mais il peut être à double tranchant et faire tourner le dos à certains de ses clients ...
31. Sympathie
S'associer à des évènements populaires ou caritatifs, peut contribuer à la construction d'une image sympathique et faire aimer une marque sans considération directe avec son offre.
32. Des références
Afficher des références de renom parmi ses clients peut être un gage de confiance et encourager les autres clients à les rejoindre. Encore faut-il convaincre ces clients référence de vous adopter comme fournisseur ...

Critères de différenciation liés aux prix
Un consommateur associera plusieurs coûts différents à un produit qui contribueront chacun à la construction du prix final qu'il conviendra de payer. La somme de ces coûts constitue ce que l'on appelle le coût (ou le prix) psychologique.

33. Le prix d'achat
Faut-il faire de petites marges en espérant multiplier les ventes, ou bien afficher d'emblée des prix plus élevés quitte à se priver de certains clients ? Les fabricants d'imprimantes proposent des prix très bas en se récupérant sur les prix des consommables. Il en est de même pour les fabricants de rasoirs jetables.
34. Le prix d'utilisation
Peut-être est-il intéressant de se démarquer de ses concurrents en proposant des solutions qui minimisent le coût d'utilisation des produits vendus ? Nous sommes depuis longtemps déjà habitués à cette gymnastique au moment d'acheter une voiture et de choisir entre un modèle diesel ou essence.
35. Le prix d'entretien
Entretenir ou maintenir en état ses produits achetés peut être une préoccupation majeure pour certains types de fournitures. Ce sont des arguments qu'il convient de mettre en avant en particulier en BtoB sur des appareils de type machines-outils ou plus généralement d'outils de production.
36. Le prix de destruction
Ne site-t-on pas cette catégorie comme un obstacle au déploiement de certaines technologies telles le nucléaire ou même l'éolien ?
37. Les coûts en temps
Certains prendront bien soin d'intégrer dans le calcul de leurs coûts totaux d'acquisition de telle ou telle solution le temps qu'il leur faudra avant de pouvoir bénéficier effectivement du produit tant désiré. L'accès aux vendeurs, les délais de livraison, d'installation, de formation sont autant de critères qui contribuent à ce calcul.

Les anglo-saxons parlent facilement de coût total qui est la somme des "CAPEX" (Capital expenditures) et des "OPEX" (Operational expenditures).

L'un des moyens d'identifier quels leviers activer pour tenter de se différencier de ses concurrents consiste à analyser avec minutie ce que l'on appelle la chaîne de consommation, et ainsi de décortiquer cette chaîne en se posant un certain nombre de questions, de l'acte d'achat à la destruction du produit acheté :
- Comment les clients prennent-ils conscience de leur besoin en votre produit ou service ?
- Comment découvrent-ils votre offre ?
- Comment font-ils leur choix final ?
- Comment commandent-ils et achètent-ils votre produit ou service ?
- Que se passe-t-il lors de la livraison ?
- Comment installez-vous le produit ?
- Comment et quand se fait le paiement ?
- Comment le produit est-il entreposé chez vous ?
- Comment est-il transporté ?
- Quel est l'usage que le consommateur fait de votre produit ?
- Sur quels sujets les utilisateurs ont-ils besoin d'aide lorsqu'ils utilisent votre produit ?
- Qu'en est-il des retours et des échanges ?
- Comment et par qui le produit est-il réparé ?
- Que se passe-t-il lorsque le produit n'est plus utilisé ou jeté ?

Et pour être complet et exhaustif sur le sujet, peut-être sera-t-il intéressant de se poser ces questions au sujet de ses concurrents afin de vraiment bien identifier les critères pertinents de différenciation.




mardi 22 novembre 2011

Des propositions pour favoriser l'innovation en France

Le Conseil National des Ingénieurs et Scientifiques de France vient de publier un livre blanc "Pour une France ambitieuse, pleinement confiante dans ses ressources et ses talents" à l'intention de la classe politique française ainsi qu’aux principaux décideurs de notre pays. Ce livre blanc se propose d'apporter des éléments de réponses aux questions suivantes : Comment réindustrialiser la France, réhabiliter l’entreprise et encourager l’innovation ? Comment faire de l’enseignement supérieur une véritable préparation aux métiers ? Quelle stratégie énergétique adopter dans le cadre d’un développement responsable et d’une maîtrise de la sécurité ? Comment restaurer l’image de la science et de la technologie, et rendre attractives les activités qui y sont liées ?

Je vous livre ici dans son intégralité le chapitre qui traite de l'innovation

Recherche, innovation et invention : clés de notre compétitivité à venir


Faire face à la concurrence mondiale par un renouvellement continu de notre offre

Revenir à l'équation de la compétitivité
Dans un monde concurrentiel d'échanges globalisés, un pays ne peut maintenir sur la durée un différentiel de compétitivité à son avantage qu’en jouant sur les facteurs suivants :
- le coût unitaire de sa force de travail, - une productivité supérieure, soit intrinsèquement, soit par des effets d'échelle, - la qualité de ses services et son aptitude à répondre aux attentes du client, - une capacité à proposer sans relâche de nouveaux produits, plus performants, plus fiables ou totalement novateurs, et bien acceptés par le marché.
Faute d’une rente particulière de situation, et dans l'incapacité de pouvoir beaucoup jouer sur le coût de ses productions, la France ne peut rester en course qu'en s'appuyant sur les deux derniers facteurs, qui lui imposent de démontrer une capacité d'innovation supérieure et une approche dynamique de la relation avec les clients et le marché.

Stimuler les processus d'innovation : un effort en soi
L'innovation n’est pas la conséquence d'un apport de connaissances nouvelles. Ce découplage d’une relation “mécanique” est largement confirmé par l'histoire des inventions (téléphone, bulldozer, machine à vapeur, post-it, internet...). Il ne doit pas conduire pour autant à sous-estimer l'importance d’entretenir un terreau de technologies génériques par un effort de recherche approprié.
Contrairement au lieu commun qui focalise l'attention sur l'apport d'idées originales, on admet aujourd'hui que le processus d'innovation ne se confond pas avec la créativité en soi. Au-delà des bonnes idées, le point critique est de parvenir à en tirer le meilleur profit, en surmontant les obstacles internes pour déboucher sur des réalisations bien acceptées par les utilisateurs finaux.
L’innovation ne peut être dissociée de la performance industrielle et commerciale : c’est en étant confrontée quotidiennement aux exigences de ses clients et aux problèmes posés lors de la production que l’entreprise sera totalement impliquée dans une démarche d’innovation. Dans “Great Again : Revitalizing America's Entrepreneurial Leadership”, les auteurs pointent les méfaits résultant de la délocalisation de la production industrielle, qui induit à moyen terme l’affaiblissement de la capacité d’innover. Il est donc essentiel qu’en France l’innovation soit encouragée non seulement selon un mode “techno push”, mais aussi sous la forme d’une ardente implication des PME, y compris dans des secteurs d’activité perçus comme peu technologiques.
Sur ces terrains, les ingénieurs et chercheurs peuvent exprimer leurs vues et contribuer à l'émergence d'une “culture d'innovation”, permettant à un groupe :
- de surmonter les réticences spontanées développées en interne vis à vis de toute nouveauté, perçue comme radicale et perturbatrice en puissance,
- de mobiliser dans une approche collaborative les regards et compétences croisés d'équipes de profils variés dans leur connaissance de l'environnement et leur bonne appréciation de ses attentes.

N’oubliez pas l'inventeur !
L'accent mis sur la dimension collective de l'innovation, ne doit pas faire négliger l'apport particulier de l'inventeur, capable de cristalliser concrètement une intuition personnelle, à un niveau suffisant pour qu'elle soit brevetable.
Le processus de l'invention est particulièrement précieux, car il s’appuie sur une motivation individuelle profonde, apte à bousculer les oppositions et à imposer une vraie nouveauté, débouchant sur des innovations protégées des risques de copies malhonnêtes.
Avec une interaction à double sens à encourager entre orientations des recherches et des problématiques d'innovation (évoquée plus loin).
L'inventeur mérite d'autant plus l'attention que l'énergie qu'il met en œuvre pour élaborer sa trouvaille est souvent plus en rapport avec une attente de considération qu'avec la recherche d'un gain matériel.
Si de nombreuses innovations ne sont pas brevetables, il est capital de bien comprendre l'importance prise par le management des brevets, que ce soit d'une manière offensive pour se protéger de concurrents mal intentionnés, ou défensive pour garder le contrôle d'un champ d'application.

Faire partager à tous les acteurs concernés un ensemble de valeurs et de démarches favorables au développement de l'innovation

Les fondements d'une culture d'innovation
L'enjeu étant de créer une “culture d'innovation”, toute une série d'orientations sont à encourager :
- une réelle compréhension et un respect des réalités du marché, où la seule vérité qui s'impose en dernier ressort est celle du client,
- une capacité à accepter des ruptures dans la manière de voir les choses et à assumer leurs conséquences (remise en cause de l'existant, mobilité...), en acceptant une certaine prise de risque,
- un traitement en parallèle de l'innovation elle-même, de ses conditions d’insertion dans un “business model”, et de l’identification des partenariats financiers de soutien.

Des actions concrètes à encourager
Tous les pays sont aujourd'hui très attentifs à ces problèmes, et des indications précieuses peuvent être tirées de leurs “bonnes pratiques”, qui suggèrent une série d'actions à encourager :
- la constitution systématique d'équipes mixtes avec un métissage des cultures et des paradigmes,
- le développement d'un repérage systématique, sur une base mondiale, de tous les savoir-faire utiles accessibles (veille technologique et compétitive),
- la conclusion de partenariats entre entreprises, entre entreprises et centres publics de recherche ou institutions d'enseignement et de recherche,
- un centrage sur le cœur d’activité, amenant l'acceptation d'externaliser certaines fonctions,
- une approche globale de la relation de l'objet ou du service avec son futur utilisateur, très au delà d'un cahier des charges techniques,
- un grand respect de l'usager se traduisant par une grande qualité d'écoute,
- une appropriation du mode de protection de la propriété intellectuelle.
Ces exigences relèvent de pratiques et d'un goût pour la conduite du changement, qui doit être encouragée dès le départ et tout au long du cursus éducatif, jusqu'à devenir un acquis.

Créer un environnement favorable : travaux de recherche, profils de docteurs

Construire une interface de qualité entre innovation et recherche
Si de nombreuses innovations portent sur la conception originale ou l’usage de nouveaux produits reconnus comme utiles sans grande avancée technique, d'autres tirent profit des percées scientifiques, comme on le constate en biologie, dans les nanotechnologies ou les technologies de l'information, où les innovations ont un fort contenu scientifique.
C'est une raison supplémentaire pour que se maintienne dans notre pays une recherche fondamentale de qualité, qui en premier lieu garantisse une bonne appréhension de toutes les avancées mondiales, mais plus encore représente un ticket d’entrée pour les réseaux d'excellence, et la capacité à saisir à tout moment les évolutions significatives en cours.
Ce constat pose immédiatement la question critique du couplage à assurer entre les pistes jugées prometteuses par les chercheurs et la réalité des problèmes à résoudre.
Comme il n'y a pas de certitude a priori sur les bons choix, le mieux est de veiller à assurer les conditions d'un dialogue régulier, où les chercheurs seront confrontés aux préoccupations des praticiens et encouragés à développer une recherche partenariale. Ce principe d'écoute réciproque et de concertation est déjà au coeur du fonctionnement des pôles de compétitivité, qui cherchent à faire émerger en continu des projets coopératifs. Quel que soit le souci du monde de la recherche de préserver le choix de ses sujets de toute contrainte extérieure, il est vital d’échapper à une situation d'efforts amont totalement déconnectés des réalités applicatives en aval.

Les bonnes attitudes se construisent pendant la formation initiale
Les attitudes utiles à une culture d'innovation, comme l'entraînement à une pratique professionnelle de la recherche, s’élaborent au niveau des formations initiales. C’est vrai pour la conscience des ressources potentielles de la science, les efforts tendant à la production de connaissances nouvelles, l'émergence au sein d'un groupe projet d'une approche réellement originale, la première sensibilisation aux questions de propriété industrielle.
Mais les choses sont moins évidentes en ce qui concerne la reconnaissance de l'importance du client, la mobilité nécessaire entre champs de spécialité ou le couplage à établir entre le développement fondamental et le montage d'une “affaire” viable. La bonne sensibilité des jeunes américains aux réalités du marché est sans doute en rapport avec leur expérience des petits jobs d'été, qui leur donnent en grandeur réelle une idée de ce qu'est un client exigeant...
Un dernier aspect essentiel est l'attention à apporter aux formations doctorales, qui offrent une opportunité unique de saisir la réalité du processus d’élaboration des connaissances nouvelles, et des compétences uniques qu'elles développent: point des connaissances à un moment donné, mise en place de protocoles expérimentaux, défense des résultats obtenus devant une communauté scientifique...

Une attention particulière à porter aux technologies de l'information

Chaque domaine scientifique ou technique mérite l'attention
L'aventure technologique qui caractérise notre époque se déploie à des degrés divers dans tous les champs techniques et scientifiques, et il est donc hors de question de négliger l'un ou l’autre d'entre eux :
- la nécessité admise aujourd'hui de limiter l'empreinte carbone oblige à revoir toutes les formes de production énergétique, des plus classiques aux plus récentes (éolien, photovoltaïque...), et à travailler de manière volontariste à l'amélioration des rendements énergétiques et de toutes les récupérations actives de chaleur,
- l'obligation de renouveler nos approvisionnements en ressources minérales ou énergétiques, va conduire à investir fortement dans les prochaines années, dans les techniques d'exploration minière et d'exploitation,
- de nombreux champs de recherche s'ouvrent à la chimie, pour se rapprocher des biosciences ou pour mieux prendre en compte la protection de l'environnement,
- tout reste à faire dans le domaine des biotechnologies, des technologies de la santé, de la conception des matériels de transports (véhicules terrestres, avions)...,
- une attention particulière doit néanmoins être portée aux technologies de l'information, qui sont à l'origine de l'émergence spectaculaire de nouvelles activités et de nouveaux acteurs (économie numérique). En raison aussi des conséquences profondes qu'elles ont sur l'utilisation de tous les autres savoirs, sur notre mode de vie, voire sur notre organisation sociale.

Importance particulière des technologies de l'information
Les industries STIC et leurs marchés représenteront en 2015 à l'échelon mondial plus de 2500 milliards d'Euros, avec une part croissante des services informatiques, télécoms et internet qui mobilisera alors plus de 60% des investissements et dépenses TIC, soit un quasi-triplement depuis 1980.
Il faut de même être conscient du rôle considérable joué dans l'écosystème français par les technologies numériques, qui représentent le premier recruteur d'ingénieurs et cadres pour l'activité Services.
Les technologies de l'information sont aussi un champ privilégié d'action pour l'expression des capacités inventives des scientifiques et des ingénieurs dans les années qui viennent, avant que le relais ne soit pris progressivement par les biotechnologies.
Ce regard privilégié sur les technologies numériques, traduit la place qu'elles ont acquise :
- pour un accès de plus en plus évolué à la connaissance et à son partage grâce au travail de traitement et de stockage en amont : recherche documentaire, bases de données coopératives, data mining, systèmes experts...,
- pour l'élaboration de simulations dynamiques des réalités les plus complexes, qu'il s'agisse de l'évolution du temps à moyen terme, du comportement d'un prototype d'avion ou d'une projection économique,
- pour des capacités nouvelles de mise en relation, donnant un élan nouveau aux approches coopératives, avec la constitution de réseaux sociaux qui ont déjà pris une place extraordinaire,
- pour l'accès à volonté sans contrainte de temps ou de distance à des ressources éducatives ouvrant la voie aux actions de formation permanente.
On perçoit bien l'intérêt qu'elles peuvent présenter pour enrichir les boîtes à outils de toutes les spécialités techniques et comme champ privilégié d'invention, sans compter tous les efforts à faire pour sécuriser totalement les technologies numériques elles-mêmes et leurs usages.

Cinq propositions
1. Développer une culture de propriété intellectuelle dans les entreprises et chez les acteurs publics avec lesquels elles ont des liens (enseignement supérieur, recherche). Mettre en place dans les entreprises et les organismes publics des pratiques motivantes pour les inventeurs et leur environnement, et prendre en compte celles-ci dans les bilans sociaux et la notation sociale.

2. Faire du développement de l’innovation, capacité à proposer sans relâche de nouveaux produits plus performants, plus fiables ou totalement novateurs, un projet national prioritaire. Fixer clairement comme objectif le soutien et le développement de l’activité industrielle en France (et en Europe) pour les financements publics de la valorisation de la recherche académique, à l’instar du programme SBIR aux Etats-Unis. Revenir à un financement plus important par la Défense de recherches à vocation duale (civile et militaire), et donner aux entreprises un droit de tirage sur la recherche publique. Ouvrir le fond de brevets des grands groupes aux PME-PMI, et promouvoir des coopératives de gestion de la propriété intellectuelle (SATT, sociétés d’accélération des transferts de technologie).

3. Encourager la création d’une instance représentative des PME pour renforcer leur implication dans les programmes de valorisation de la recherche publique, dont elles sont aujourd’hui absentes par manque d’un interlocuteur portant leurs attentes. Mobiliser les PME pour tirer le meilleur profit de l’innovation collaborative, conjointement entre clients, fournisseurs, voire concurrents. Créer un observatoire de l’innovation collaborative (il pourrait être animé par IESF) qui encouragerait les expérimentations et en mesurerait périodiquement les résultats : on assiste en effet à un foisonnement d’initiatives séduisantes intellectuellement, mais dont la pertinence n’est vérifiable qu’après une phase expérimentale.

4. Multiplier les alternances entre universités et écoles d’ingénieurs aboutissant à des doctorats. Encourager le plus grand nombre à consacrer une part de formation et d’activité professionnelle à la recherche, en valorisant celle-ci et en l’intégrant dans des parcours professionnels diversifiés. Assurer les conditions d'un dialogue régulier entre chercheurs et praticiens, encourager le développement d'une recherche partenariale et la mobilité nécessaire entre champs de spécialité. Établir un couplage entre le développement fondamental et le montage d'une “affaire” viable. Mettre l'accent dès les études sur la compréhension du marché et le respect de ses réalités, là où compte la qualité d'écoute et où la seule vérité qui s'impose en dernier ressort est celle du client.

5. Lancer les investissements d’infrastructure indispensables pour les STIC (très haut débit...). Financer des programmes liés à leur usage public (transports, santé, environnement, sécurité civile, justice...). Créer les conditions économiques et légales d'une véritable solidarité entre les acteurs nationaux de cette industrie : grands donneurs d’ordre, consommateurs, opérateurs télécom, SSII, éditeurs de logiciel, fabricants de matériels à haute valeur ajoutée.

L'ensemble du livre banc Pour une France ambitieuse, pleinement confiante dans ses ressources et ses talents est disponible sur http://www.usinenouvelle.com/mediatheque/7/4/7/000145747.pdf


samedi 19 novembre 2011

Rentrer dans l'intimité de ses clients pour mieux les satisfaire

Qui connait vraiment ses clients ? Quel commercial peut décrire avec précision un client type ? Que savons-nous des motivations réelles de nos clients ? Sommes-nous capables de nous mettre dans la peau de nos clients et ainsi de trouver les produits, les services et les arguments les plus appropriés ? Deux écoles marketing s'affrontent à ce sujet : celle qui recommande de bien connaître ses clients, de faire des études à leur sujet afin de bien comprendre leurs comportements, et celle qui part du principe que de toutes façons un client ne sait jamais bien expliquer les raisons de ses choix et que leur demander leur avis est une perte de temps et d'argent. Cette seconde école fait la part belle aux achats dits impulsifs, répétitifs à la limite du raisonnable. 
Toujours est-il qu'il y a bel et bien une frange de clientèle qu'il conviendrait de privilégier, quelle que soit l'école marketing auprès de laquelle on se range ; celle des clients insatisfaits ... C'est probablement en répondant aux besoins insatisfaits que l'on arrivera à élargir son champ des possibles et à gagner de nouvelles parts de marché.

Il existe une technique éprouvée, mais cependant peu utilisée pour établir le profil de clients et tout particulièrement des clients insatisfaits. Cette technique, baptisée carte d'empathie, consiste à exprimer en des termes très simples et empruntés au quotidien comment un individu prend ses décisions, et plus particulièrement ses décision d'achat ou de non achat. Il s'agit d'identifier les éléments extérieurs qui lui sont proches et qui influencent son comportement d'acheteur.
La carte d'empathie repose sur les réponses apportées à 6 questions relativement simples :

  1. Que voit le client ? (son environnement, son entourage, ses amis, les offres auxquelles il est exposé, les problèmes rencontrés)
  2. Qu'entend le client ? (ce que disent ses amis, ses collègues, ses chefs, qui l'influence vraiment ?, à quels médias fait-il confiance ?)
  3. Que pense et que ressent le client ? (les éléments réellement importants avouables ou pas, ses préoccupations majeures, les raisons qui peuvent l'émouvoir, les raisons qui peuvent le perturber)
  4. Que dit et que fait le client ? (son attitude en public, son apparence, son comportement vis-à-vis des autres, de quoi parle-t-il, est-il en contradiction entre ses dires et ses pensées ?)
  5. Que craint le client ? (ses peurs, ses frustrations, ses principaux obstacles, ses risques maximum qu'il est prêt à prendre)
  6. Qu'espère le client ? (ses désirs, besoins, critères de réussite, ses stratégies)
Cette technique est déjà utilisée depuis quelque temps en grande consommation. C'est en partie grâce à elle que les vendeurs d'électroménager ont mis au point leur tactique de vente en magasin qui consiste principalement à observer le client avant de l'assister puis de lui poser un certain nombre de questions en rapport avec son cadre de vie. Mais elle a également été testée avec succès en BtoB par Microsoft qui en 2008 a entrepris une vaste étude auprès des Directeurs de Systèmes d'Information (DSI) de centaines d'entreprises, selon ce modèle de carte d'empathie. Le résultat de cette étude a contribué à la décision de rendre disponible sur Internet la suite d'applications Office de Microsoft, afin que les utilisateurs puissent utiliser Word, Excel et les autres logiciels de bureautique à partir de leur navigateur Internet.

Cette technique permet de répondre avec précision aux questions de base que toute entreprise doit se poser :
- mon offre et les valeurs qu'elle supporte résolvent-elles les problèmes réels de mes clients ?
- mes clients sont-ils réellement disposés à payer pour cette offre ?
- comment mes clients souhaitent-ils que mon entreprise entre en contact avec eux ?




jeudi 17 novembre 2011

Quand Business Model et Marketing ne font qu'un

Le marketing et l'économie ne sont pas souvent associés l'un à l'autre. Je n'ai pas encore rencontré d'économiste qui disait aussi faire du marketing, ni de marketeur qui maîtrisait les lois de l'économie. Pourtant ces 2 domaines sont très proches l'un de l'autre, sinon complémentaires. Un chef d'entreprise parle de stratégies marketing d'un côté et de modèles économiques (les fameux business models) de l'autre. Mais finalement ne parlerait-on pas de la même chose ? ...
Je reprends ici quelques concepts développés en économie (d'ailleurs je vous recommande vivement la lecture de "Business Model Nouvelle Génération, d'Alexander Osterwalder et Yves Pigneur en collaboration avec 470 professionnels de 45 pays, aux éditions Pearson") en essayant de les transcrire en termes marketing. Vous m'accompagnez ? ...

Concept économique n°1 : le dégroupage d'entreprises
Ce concept est basé sur le fait qu'il y a 3 sortes de modèles économiques de base, et que toutes les entreprises doivent se reconnaître dans l'un deux, car il n'en existe pas d'autres :
  1. modèle fondé sur les relations clients ; les entreprises sont centrées sur la recherche de clients et elles construisent des relations durables avec eux
  2. modèle fondé sur l'innovation ; les entreprises développent des produits et des services nouveaux
  3. modèle fondé sur la mise à disposition d'infrastructures ; les entreprises construisent des systèmes autorisant le traitement de taches répétitives et en grand nombre
Les théories économiques les plus récentes recommandent le "dégroupage" de ces 3 modèles. Selon cette théorie, une entreprise sera d'autant plus performante qu'elle choisira et se concentrera uniquement sur l'un de ces 3 modèles.
Transcrit en termes marketing, ce concept revient à émettre l'idée que soit une entreprise dispose d'une offre et cherche à la vendre aux clients que cette offre intéresse, soit elle a identifié une typologie de clients insatisfaits et imagine l'offre pour les satisfaire, soit elle s'affiche comme une entreprise "intermédiaire" fournissant des services reliant des groupes d'acheteurs à des groupes de vendeurs. Bien sûr ces 3 modèles peuvent cohabiter au sein d'une même structure, mais les contraintes économiques qu'ils engendrent nous apprennent qu'il convient de les séparer distinctement pour une plus grande efficacité.

Concept économique n°2 : la longue traîne
Ce concept explique qu'il peut être au moins aussi intéressant de vendre plusieurs articles différents en petites quantités que de vendre peu d'articles distincts en grande quantité. La condition première pour que la vente de produits de "longue traîne" soit efficace réside en la mise en place de mécanismes de distribution performants avec des coûts de stockage les plus faibles possibles.
On reconnait bien évidemment ici les notions de marchés de masse et de marchés de niche. Le parallèle avec le concept économique décrit ici nous amène à penser qu'une stratégie de niches sera couronnée de succès en multipliant autant que faire se peu les niches ciblées.

Concept économique n°3 : les plates-formes multifaces
Il s'agit ici de structures qui mettent en contact au moins deux groupes de clients distincts mais qui dépendent les uns des autres. Le commerce ne peut s'établir qu'en présence de ces groupes et la plate-forme multiface agit comme un catalyseur des interactions inter-groupes. 
Pour fonctionner correctement, ce modèle nécessite la mise en réseau d'un grand nombre d'utilisateurs, d'au moins un groupe concerné.
Nous parlerons ici de l'analogie avec une branche bien particulière du marketing, celle du marketing de la mise en relation, grâce auquel un groupe d'acheteurs est mis en contact avec un ou plusieurs vendeurs potentiels dont l'offre correspond parfaitement à la demande exprimée par le groupe d'acheteurs. C'est la stratégie marketing que des entreprises comme Google (avec ses moteurs de recherche et produits publicitaires dérivés) ou Apple (avec son App Store) ont choisi d'implémenter.

Concept économique n°4 : le modèle du gratuit
Dans ce modèle, un segment de clients peut disposer en permanence d'une offre gratuite. Pour fonctionner économiquement, ce modèle nécessite qu'un ou plusieurs autres segments de clients compensent le manque à gagner ainsi créé. Il s'agit soit de faire payer les mêmes produits ou services offerts gratuitement à d'autres clients, ou plus couramment de faire payer des produits ou services additionnels au même segment bénéficiant des produits ou services gratuits.
On aura reconnu ici le marketing de type "freemium" (contraction entre free et premium) qui consiste à offrir, au delà de services totalement gratuits, des services payants permettant à leurs acheteurs d'accéder à des fonctionnalités privilégiées (l'exemple de certains jeux en ligne illustre parfaitement ce mécanisme). Les journaux "gratuits" sont une autre illustration de ce mécanisme. Ces derniers combinent d'ailleurs le concept des plates-formes multifaces et du modèle gratuit. On pense également à la stratégie marketing dite de l'appât et de l'hameçon dans laquelle un achat peu couteux considéré comme attractif, est suivi d'achats captifs et beaucoup plus générateurs de bénéfices sur le long terme (les imprimantes et leurs cartouches d'encre, ou les rasoirs et leurs lames jetables).

Concept économique n°5 : le modèle ouvert
Ce dernier concept demande la collaboration de partenaires extérieurs pour générer de la valeur et des bénéfices. On parle de modèle "dehors-dedans" lorsque l'organisme importe des idées extérieures pour les exploiter à son compte, et de modèle "dedans-dehors" lorsque l'organisme fournit à ses partenaires des moyens dont chacun profitera de manière rentable.
Il s'agit ici d'appliquer des principes marketing mettant en oeuvre l'achat de brevets ou de produits extérieurs pour le compte de son entreprise (dehors-dedans), ou bien à l'inverse de céder des brevets, des droits de licences ou des technologie à une entreprise tierce contre versement de royalties.

Le monde de l'économie, avec son vocabulaire, ses modèles et ses concepts ne serait-il pas une source intéressante d'idées pour celui du marketing ? Ces deux mondes ne seraient-ils pas complémentaires, parallèles ou partenaires ? N'aurions-nous pas intérêt à globaliser les approches et les recherches réalisées dans ces deux domaines ? D'ailleurs, Alexander Osterwalder et Yves Pigneur marient élégamment ces 2 approches lorsqu'ils disent : "La matrice du modèle économique prolonge et complète les outils analytiques développés dans le cadre de la stratégie marketing Océan Bleu de Kim et Mauborgne (voir mon article par ailleurs http://sedifferencierdesesconcurrents.blogspot.com/2011/09/il-est-rare-quune-entreprise-nait-pas.html). Ensemble, ils fournissent une grille d'analyse particulièrement performante pour remettre en question les modèles économiques dominants et en créer de plus compétitifs."

mercredi 16 novembre 2011

Un classement mondial des entreprises les plus innovantes

Thomson Reuters établit un classement des entreprises les plus innovantes dans le monde, et ce sur les 3 dernières années. Ce classement a la particularité de ne pas classer (!) les entreprises, mais simplement de lister alphabétiquement les 100 d'entre elles les plus actives en matière de brevets. 
Quatre critères sont pris en compte pour établir cette sélection :

  • Succès - le taux de réussite du dépôt de brevets (ceux qui sont acceptés par les différents organismes d'enregistrement), 
  • Globalité - la portée mondiale du portefeuille de brevets (brevets déposés en Chine, en Europe, au Japon et aux USA), 
  • Influence - l’influence du brevet calculée à partir du nombre de citations dans la littérature professionnelle,
  • Volume - le volume de brevets déposés.

Quelques faits remarquables de ce rapport :
  1. aucune entreprise chinoise ne fait partie de ce classement. Leur portée mondiale, ainsi que leur taux de succès seraient trop faibles.
  2. 11 entreprises françaises font partie de ce Top 100 : Airbus, Alcatel-Lucent, Arkema, CNRS, Commissariat à l’énergie atomique, IFP Energies Nouvelles, L’Oréal, Rhodia, Saint-Gobain, Snecma, Michelin. Ce qui positionne la France au 3ème rang des pays les plus représentés (derrières les USA avec 40 entreprises et le Japon avec 27 entreprises). Nous sommes devant l'Allemagne (pour une fois ...) qui ne voit que 4 entreprises citées.
  3. le secteur le plus représenté est celui des semi-conducteurs et de l'électronique (14 entreprises sur 100). C'est le secteur qui arrive en tête en Amérique du Nord, alors qu'en Europe il est devancé par le secteur de l'informatique, et en Asie par celui des machines-outils.
  4. les 100 entreprises listées dans ce classement ont généré 400 000 nouveaux emplois en 2010, ont connu une augmentation de chiffre d'affaires de 12,9% par rapport à 2009 (alors qu'en comparaison, les entreprises du S&P500 américain n'ont connu qu'une augmentation légèrement supérieure à 5% sur la même période), affichent des dépenses en R&D plus de 2 fois supérieures à celles des entreprises de ce même S&P500.
Le rapport "Thomson Reuters - Top 100 Global Innovators" est disponible sur http://top100innovators.com/


lundi 14 novembre 2011

Mais pourquoi la DS3 a-t-elle si bien marché ?



L'un de mes amis m'a lancé un challenge il y a quelques jours : 
 - toi qui te poses tout un tas de questions sur les succès, les échecs, les pourquoi, les comment, saurais-tu expliquer les raisons du succès de la DS3 de Citroën ? ...
- heu ... là comme ça maintenant, non. J'avoue que cela mérite réflexion ...
Alors voilà, le temps de la réflexion est à présent révolu et je vous livre mes conclusions !

La DS3 repose sur 2 concepts forts :
1) la personnalisation
2) le jeu entre les forces du passé et la modernité

La personnalisation
Citroën a d'abord très bien mis en avant la possibilité de totalement personnaliser sa voiture : un choix de coloris relativement étendu, la possibilité d'une couleur différente pour le toit, liés à la sélection d'un certain nombre de décalcomanies ont permis aux acheteurs de la DS3 de se créer eux-mêmes la voiture qui leur ressemblait le plus. D'ailleurs, sur les 10 000 premiers modèles vendus (on en est à présent à plus de 100 000 ...) le constructeur annonçait n'avoir pas plus de 17 fois répertorié la même demande ...
La personnalisation va d'ailleurs un peu plus loin que cette simple contribution au design de la part des acheteurs. Certains détails font de la DS3 un véhicule unique que ses propriétaires sont fiers d'arborer. Les phares à led verticaux placés à l'avant (et non horizontaux comme utilisés jusqu'à présent) et allumés en permanence, sont un signe distinctif reconnaissable parmi tous qui contribue énormément au sentiment d'unicité que ressentent et revendiquent les conducteurs de la DS3.

Le jeu entre les forces du passé et la modernité
C'est à mon avis la seconde raison du succès de la DS3. Citroën souhaite à la fois jouer la carte de sa propre histoire avec l'engouement dans les années 50 et 60 pour sa célèbre DS, et de résolument lui tourner le dos, ainsi qu'aux véhicules néo-rétro de ses concurrents Fiat (Fiat 500) et BMW (Mini), avec la carte de la modernité qu'elle abat à travers des atouts de surprise, de dynamisme et de séduction.
Bien qu'il n'y ait absolument aucun point commun entre l'ancienne DS et la nouvelle, Citroën a osé ressortir ce nom mythique uniquement dans l'espoir de créer le buzz. Ce nom qui véhicule encore aujourd'hui des images de succès, de technicité et d'unicité aurait pu être très lourd à porter, mais la DS3 s'est reposée dessus pour affirmer sa différence : DS comme Different Spirit ... mais toujours Creative Technology ... Ou comment tuer le côté rétro de la marque en faisant en sorte qu'un mythe parle du futur.
Le passé a également été marié au présent à travers l'association d'un grand nom de la haute couture, Yves Saint Laurent, qui a été choisi comme designer. Une autre forme de grand écart entre le rétro et le modernisme qui s'est poursuivie jusque dans la gamme de prix, du relativement abordable au plus inaccessible ...

Il faut bien entendu rajouter à ces 2 ingrédients, celui plus classique d'une communication savamment dosée et vous obtenez une voiture dont la recette marketing a su plaire aussi bien aux femmes qu'aux hommes, et ce n'est là sans doute pas la moindre de ses qualités ...

vendredi 11 novembre 2011

Je fais des erreurs, tu fais des erreurs, il fait des erreurs ...

Notre société et notre culture ne font pas la part belle à l'erreur, aux échecs. Il n'est pas de bon ton pour un chef d'entreprise de reconnaître ses erreurs sous peine de passer pour incompétent. Un designer qui conçoit un objet rejeté par les utilisateurs est considéré comme "has been". Un entrepreneur qui met la clé sous la porte un peu trop rapidement tentera toute sa vie de masquer ce faux pas. Un technicien qui commet l'erreur de mal ajuster telle ou telle pièce sera sanctionné d'une manière ou d'une autre. Beaucoup d'entre nous se disent "oui, et alors, n'est-ce pas normal ? ...". Non, il n'est pas normal que dans le monde de l'entreprise et du business on s'empresse d'oublier les erreurs et les anomalies en se contentant de les sanctionner, sans s'y attarder plus que cela, alors que dans d'autres domaines ce sont ces mêmes erreurs et anomalies qui sont recherchées, décortiquées, voir valorisées. La médecine part des maladies pour inventer de nouveaux médicaments et de nouvelles techniques chirurgicales, les sciences humaines étudient avec grand intérêt les déviances et autres anomalies de comportement pour mieux comprendre les différents mécanismes qui guident nos actes, les sciences physiques regardent de très près trous noirs, étoiles naines et autres bizarreries pour tenter de définir des modèles qui permettraient de progresser dans la connaissance de nos origines.
Nous n'apprenons que de nos erreurs, des leçons de situations difficiles, voir de cuisants échecs. On ne prend que très rarement le temps d'analyser les raisons d'un succès. On se contente bien souvent de s'en gargariser, de s'en satisfaire, de s'en féliciter, alors qu'un échec doit être décortiqué, compris et corrigé pour mieux rebondir. On ne progresse que dans l'adversité et dans la recherche d'amélioration de ses propres défauts ou bien de ceux des autres. Mais encore faut-il reconnaitre ses défauts et ses erreurs et ne pas s'empresser de les oublier, de les camoufler sous peine d'être accusé d'être un "looser" ...

J'ai relu ces jours derniers, à l'occasion de la sortie de sa seconde édition, le best-seller de Matt Haig : "100 grands flops de grandes marques". Ce livre a parfois été décrié, ses détracteurs les plus virulents lui reprochant de faire trop de généralités à partir de cas bien particuliers, mais il n'empêche qu'il a le mérite de remettre au grand jour les histoires d'échecs que nous avons bien vite oubliées et dans lesquelles chacun pourra trouver quelques points communs avec ses propres activités et être ainsi alertés sur certains dangers potentiels.
Parmi toutes les "leçons" recensées par Matt Haig, je vous propose ici d'en retenir quelques unes, celles qui m'ont paru les plus pertinentes et les plus parlantes. Celles dans lesquelles je me suis retrouvé un moment ou un autre, car oui, je l'avoue, j'ai fais des erreurs, mais j'espère en avoir tiré les enseignements nécessaires à ma propre construction.

Lorsque les relations avec les clients ne sont pas considérées à leur juste valeur
--> Coca-Cola tente de changer sa recette en introduisant sur le marché en 1985 le New Coke

--> Mc Donald souhaite en 2001 introduire dans son offre un hamburger spécifiquement pour les adultes, l'Arch Deluxe

--> Mc Donald en 1994 intente un procès en justice à l'encontre de London Greenpeace pour diffamation

--> Dès les années 80, Polaroid se voit contraint de changer son fusil d'épaule en abandonnant l'instantané et tente d'attaquer le marché des pellicules 35mm

Tous ces exemples, soldés par des échecs cuisants pour certains, nous apprennent qu'il ne faut surtout pas aller à l'encontre de la perception qu'ont les clients de votre marque en cherchant à aller sur des terrains dans lesquels le public ne reconnaitra pas les valeurs pour lesquelles il a appris à vous aimer.


Lorsqu'une communication outrancière brise vos efforts
--> En 1957, Ford lance son modèle appelé Edsel et fait précéder cette sortie de campagnes publicitaires avec des promesses qu'il s'avèrera que la voiture ne saura tenir

--> Sony en 1998 s'associe à certains producteurs de cinéma pour financer le remake du film japonais Godzilla et répand son nom sur tout un tas de produits dérivés

--> L'Exxon-Valdez restera l'une des plus grosses catastrophes écologique de l'histoire. Malgré ses annonces qu'elle allait maîtriser la situation, la société Exxon perdit totalement la face en ne réussissant pas à gérer convenablement cette crise

--> le group pop anglais Hear' Say, issu de l'émission Popstars, n'aura duré que quelques mois en 2001, malgré avoir sorti le single le plus rapidement vendu de l'histoire. Le public s'est très rapidement lassé de ce groupe construit sur pas grand chose et dont on avait fait un battage médiatique hors norme

--> le site de vente en ligne de vêtements de sports, boo.com se sera brulé les ailes en moins d'un an après avoir raté son lancement par une campagne de publicité lancée trois mois avant qu'elle ne puisse honorer ses premières livraisons

Ces autres exemples nous enseignent qu'un matraquage publicitaire, trop visible, trop tôt, mensonger peut se retourner contre ses investigateurs.


Lorsqu'une mauvaise communication brise votre marque
--> Ford, avec son modèle Edsel (décidément ...) pensait, à travers ce nom, rendre un hommage au fils unique d'Henri Ford qui se prénommait Edsel. Il s'est avéré que ce nom faisait penser aux clients à des fouines (weasel) et à des bretzels. De plus, le nom devint rapidement un acronyme pour illustrer les problèmes techniques que le modèle rencontrait (Every Day Something Else Leaks) ...

--> Kellogs a fait un énorme flop en 1999 avec ses céréales Mates qui, d'après la marque, pouvaient être mangées n'importe où, mais qui devaient être conservées au réfrigérateur ...

--> En 1999, la marque Tommy Hilfinger décide de s'attaquer au marché des vêtements très haut de gamme en se séparant de son fameux logo par peur de faire trop "grand public". Elle fait marche arrière moins d'un an plus tard après que sa boutique de Londres ait été contrainte de baisser rideaux faute de reconnaissance

Nous apprenons ici qu'il convient de veiller à mettre en place une communication cohérente, qui ne laisse pas la place à l'interprétation et aux approximations et qui repose sur les bases solides de son entreprise.


Lorsque l'on néglige le pouvoir du bouche-à-oreille et d'Internet
--> Mc Donald (comme quoi ils n'ont pas fait que des "bonnes" choses ...) est victime tout au long des années 90 d'attaques diverses et variées anti-McDo. Il n'essaie que très maladroitement de répondre aux milliers de doléances qui se répandent sur Internet à cette occasion

--> La chaîne de restauration Planet Hollywood est rapidement accusée dès sa création en 1991 de ne proposer que de la mauvaise nourriture. La nouvelle se répand bien entendu comme une trainée de poudre, mais l'entreprise ne fait absolument rien pour corriger le tir

--> En 1997, un professeur de mathématique écrit sur un réseau interne que la puce Intel Pentium est mal programmée et qu'elle commet des erreurs de calculs. Cette information est très rapidement reprise sur Internet, mais Intel ne fait rien pour répondre à cette attaque

Ne laissez donc pas des attaques ou des rumeurs s'amplifier avant qu'il ne soit trop tard et que le monde entier ne retienne que les mauvais côtés de votre offre.


Lorsque l'on ne connait pas suffisamment ses concurrents
--> au milieu des année 90, Charles Branson souhaite que sa marque Virgin devienne aussi célèbre que Coca-Cola ... Il crée le Virgin Cola, moins cher que Coca et Pepsi, investit dans des campagnes de pub pharaoniques, mais néglige 2 choses : le contrôle sur les réseaux de distribution exercé par Coca-Cola et leur force financière qui leur permettra de démultiplier promotions et campagnes publicitaires attractives

--> Moulinex n'a cessé de chuter depuis 1985, année où elle surfait sur le succès de son produit phare de l'époque ; le four à micro-ondes, mais également année où elle n'a pas vu venir la concurrence asiatique sur ces mêmes fours à micro-ondes

--> Nous revenons sur le New Coke de Coca-Cola, dont le point de départ avait été de vouloir "attaquer" Pepsi sur son terrain du dynamisme et de l'attractivité auprès des générations les plus jeunes. Ils sont bien vite retournés à leurs traditions ...

--> En 2000, Unilever se sépare de l'une de ses marques de lessives en poudre ; Radion après que cette dernière n'ait réussi qu'à grand peine à conquérir 2 petits % du marché britannique. Radion avait été créée en jouant simplement la différenciation, sur un marché fortement concurrencé, au niveau de la couleur de l'emballage, argument auquel les consommateurs n'ont guère été sensibles ...

--> Dans les années 90, une petite entreprise texane du nom de Guiltess Gourmet connait un succès fracassant en fabricant des tortillas allégées cuites au four. Une niche sans concurrence qui lui permet rapidement d'atteindre un chiffre d'affaires de 23 millions de dollars, mais aussi d'attirer l'attention de beaucoup plus gros qu'elle. L'un des plus gros producteurs américains de snack ; Frito-Lay s'empare rapidement de ce marché et l'année suivante, le chiffre d'affaires de Guiltess Gourmet retombe à 9 millions de dollars ...

--> Fin 1999, Dell annonce son Web PC avec une multitudes de nouveautés (design coloré et fonctions inédites). Ce produit sera retiré du marché dès 2002 après que les consommateurs aient fait le constat que tout ce que mettait Dell en avant étaient déjà des attributs proposés par Apple et son iMac

Surveiller la concurrence pour s'assurer de créer de réelles valeurs ajoutées, s'assurer de ne pas copier un produit déjà existant, et éviter de faire trop d'envieux, s'avèrent être des précautions indispensables.


Lorsque l'on se lance à l'export à la légère
--> En 1994, Kellogs s'engouffre sur le marché indien, attiré par les promesses de croissance de son milliard d'habitants. Elle commercialise un produit unique ; ses Corn Flakes, sur l'ensemble du territoire et néglige les goûts et habitudes différents illustrés par 25 états, 17 langues officielles différentes et 6 religions principales. Kellogs s'est laissé bercer par les chiffres mirobolants de l'Inde et a négligé d'en connaitre les mécanismes en profondeur, y compris ceux liés à la distribution et à son atomisation

--> Toujours à travers certaines expériences indiennes, nous retiendrons le volt-face de MTV qui souhaitait initialement importer dans le pays le rock, le rap et la pop occidentale. La concurrence locale de la musique traditionnelle indienne fut trop forte. MTV existe toujours en Inde, mais ne diffuse plus qu'exclusivement des musiques culturelles indiennes

--> Domino's Pizza a longtemps commis l'erreur de croire que les goûts des américains étaient universels en essayant d'imposer leurs recettes sur tous les continents. Il a fallu rapidement qu'elle s'adapte à certaines cultures aux goûts plus que millénaires ...

--> Hallmark est un fabricant de cartes de voeux aux messages formatés pré-remplis qui fait un tabac dans les pays anglo-saxons. Ils ont dépensé une fortune pour tenter de s'implanter en France avant de faire le constat, quelques mois trop tard, que les français n'étaient absolument pas adeptes de ces messages considérés comme "sirupeux", "mielleux" et trop impersonnels

--> De nombreuses traductions hasardeuses ont émaillé l'histoire de grandes entreprises qui ont tenté leur chance à l'export. Je ne citerai ici qu'une de ces traductions malencontreuses, celle d'Electrolux, société scandinave, qui est arrivée aux Etats-Unis avec son message : "nothing sucks like an Electrolux" ("rien ne craint plus qu'un Electrolux", et non "rien n'aspire comme un Electrolux" comme la marque l'aurait souhaité ...)

Ces exemples nous rappellent combien il est important de faire son travail de compréhension des spécificités culturelles, linguistiques et historiques des pays vers lesquels on a des vélites commerciales.


Lorsque les études marketing nous conduisent sur de fausses routes
--> Avant la mise sur le marché de son New Coke (une mine de leçons enrichissantes ce produit ...), Coca-Cola s'est contentée d'une seule étude. Celle qui lui aura permis de s'assurer que le goût de son nouveau produit serait bien apprécié par les consommateurs. Oui, mais voilà, cette étude menée auprès de personnes testées à l'aveugle avait totalement décorrélé la relation qu'elles avaient avec la marque du produit lui-même. Si le goût avait été bien perçu, dans l'absolu, par les testeurs, une fois que la corrélation de ce même goût était faite avec la marque elle-même, les clients montraient une réelle déception et un rejet de ce nouveau produit au goût "non Coca-Cola"

--> Mc Donald a également compris à ses frais que certaines études devaient être manipulées avec précautions lorsqu'elle a mis sur le marché son hamburger Arch Deluxe. Elle avait en effet pris soin de sonder le marché au sujet de l'attrait d'un hamburger spécialement conçu pour les adultes, mais encore une fois, en se masquant jusqu'au dernier moment, et en découvrant finalement, un peu tard, que l'image de Mc Donald n'était pas compatible avec celle d'une gastronomie suffisamment raffinée pour être exclusive aux yeux d'adultes.

Oui, nous le savons bien pourtant, mais de plus gros que nous s'y sont laissés prendre : les études de marché ne doivent pas être menées trop dans l'absolu, mais bien tenir compte des spécificités et de l'histoire de ceux qui veulent en tirer des conclusions.


Lorsque l'on cède à la tentation de sortir de ses sentiers battus
--> Kellogs avec ses céréales Mates a voulu allier 2 domaines d'excellence en un seul produit : le goût (traditionnellement attaché aux céréales en flocons) et la facilité d'usage (traditionnellement liée aux barres de céréales). Le deuxième domaine d'excellence n'était pas le bon cheval, et a même fini par faire de l'ombre au premier qui n'était finalement que la seule vraie raison d'être de ce produit

--> En 1992, Pepsi se dit qu'il y avait surement un marché pour les boissons de type cola d'une autre couleur que la couleur traditionnelle. Elle invente le Crystal Pepsi, incolore mais du même goût que le Pepsi traditionnel, et (bien entendu) ne rencontre pas les consommateurs sur ce terrain de l'occupation d'un créneau si étroit qu'ils ont failli s'y faire coincer ...

--> Harley Davidson, au début des années 90 se dit qu'elle pourrait sans doute exploiter sa renommée sur des marchés qu'elle qualifiait de dérivés : parfums et vins. Malheureusement ces tentatives furent soldées par des flops monumentaux. Elle n'avait pas anticipé le fait que les bikers ne sont pas ceux qui achètent le plus parfums et bouteilles de vin

--> dans les années 80, Xerox a tenté de devenir un second IBM en se lançant sur le marché des ordinateurs. Malheureusement, sa renommée était beaucoup trop ancrée dans le monde des photocopieurs, pour que les clients la repositionnent aussi brutalement sur un marché considéré comme trop éloigné de celui où on attendait la marque traditionnellement

Il convient de bien connaitre ses atouts et de les exploiter sur les créneaux pour lesquels ils sont le plus pertinents. Vous ne pouvez occuper tous les créneaux qui semblent s'offrir à vous. Une marque véhicule des valeurs qu'il ne faut pas trahir et il est important de ne pas se tromper de cible en restant fidèle à soi-même.


Lorsque l'innovation promet des eldorados qui n'en sont pas
--> Persil a bien failli ne pas se remettre des déboires liés à son produit miracle ; Persil Power qui était censé apporter beaucoup plus d'efficacité avec beaucoup moins de lessive. Sauf que les consommateurs se sont aperçus à leurs dépends que leur linge pouvait être tout simplement détruit lorsqu'ils utilisaient une dose trop importante de cette lessive pour le coup surpuissante ...

--> En 1996, le fabricant de cigarettes Reynolds invente une cigarette sans fumée ! Cette magnifique invention ne marchera pas pour 2 raisons : (1) les seuls qui veulent se débarrasser de la fumée sont les ... non-fumeurs, et (2) les organismes publics de l'époque s'empressèrent de montrer que même sans fumée, les cigarettes Reynolds conservaient un pouvoir de nuisance certain

--> La société de vente en ligne de nourriture pour animaux pets.com base une importante campagne publicitaire sur une marionnette qu'elle finit d'ailleurs par mettre en avant plus que nécessaire en proposant un exemplaire de cette marionnette pour toute commande d'articles sur leur site internet. Cet artifice ne permit en aucune façon d'augmenter les ventes de l'entreprise

--> Qui se souvient du WAP à la fin des années 90 ? Peu de personnes certainement. Pourtant cette technologie promettait avant d'autres l'accès à Internet par les téléphones mobiles. Mais elle succomba aux résultats de deux contradictions majeures : (1) cette technologie ne proposait que trop peu d'applications concrètes, et (2) les explications de son fonctionnement, beaucoup trop compliquées, laissaient penser qu'il s'agissait d'un outil réservé aux professionnels, contrairement à la technologie SMS qui apparu presque simultanément

--> En 2002, la marque Ovaltine (Ovomaltine en France) a cru bon de jouer sur la nostalgie de ses années fastes (1940 à 1960) pour tenter de redorer son blason qui perdait depuis quelques années déjà de son brillant. Le résultat fut qu'elle fut rapidement considérée comme une marque de boissons pour personnes âgées ...

--> Nous terminerons ce tour des "casserolles" par, sans doute, les plus emblématiques de tous ; les histoires, ô combien parallèles, de Polaroid et de Kodak. Contrairement à ce que l'on croit, Polaroid a bien tenté d'enrayer la chute de ses appareils instantanés en investissant des millions pour tenter de se repositionner sur le développement rapide, puis sur le numérique. Mais leurs efforts furent beaucoup trop lents et de plus, ils firent perdre l'image de "lubrifiant social" - le gain fourni par le produit et non le produit lui-même - à la marque. Kodak lui n'a compris que bien trop tard que tous les marchés évoluent et que toute marque a une fin. Tout comme Polaroid avec ses instantanés, Kodak s'est trop longtemps accrochée à sa technologie obsolète et a ainsi perdu beaucoup de temps et de crédibilité vis-à-vis du numérique

L'innovation, pour porter ses fruits, doit être pertinente et non se contenter de nouveautés gadgets. Elle doit rendre l'offre plus utile, plus facile, plus attractive en améliorant de façon sensible les bénéfices offerts jusqu'à présent. Vouloir innover avec d'anciennes recettes n'est pas forcément synonyme à tous les coups de succès. Le timing des innovations est important et, de plus, elles ne doivent pas se faire au détriment des valeurs et de l'image que les marques ont su installer au fil du temps.