La croissance économique est-elle nécessaire ? Est-ce bien raisonnable en cette période de disette de vouloir continuer à investir dans de nouveaux aéroports ? Les entreprises qui dégagent des bénéfices en veulent toujours plus ! Voici un florilège des questionnements et déplorations que nombreux font ces derniers temps. Alors, doit-on vouloir aller de l'avant en créant toujours plus de valeur ?
La croissance économique s'explique tout d'abord par
le seul fait de la croissance démographique. Ces 10 dernières années, la France
a connu une augmentation moyenne de sa population de 0,6 % par an, pendant que
le reste de la planète croissait dans le même laps de temps de 1,1 % chaque
année. Rien qu'en France, la différence entre les naissances et les décès
annuels se chiffre à environ 250 000.
Il convient donc que nous soyons capables d'absorber
ce flux récurent de nouvelles bouches à nourrir en l'accompagnant d'une
augmentation de richesses au moins équivalente. Nous sommes donc contraints,
nous français, en souhaitant par ailleurs que le niveau de vie de chacun soit au
minimum maintenu, à rechercher une croissance économique au minimum de 0,6 % par
an. Et si l'on souhaite que la France ne perde pas de terrain vis-à-vis de sa
représentativité mondiale et de sa capacité à "servir" la population mondiale,
on peut même élever ce minimum à 1,1 %.
Au-delà de la croissance démographique
Bien sûr, déjà à ce niveau de discussion, se pose la
question de la nécessité de maintenir le niveau de vie à son niveau actuel. Ce
préambule est-il si indéboulonnable ? D'un point de vue sociétale, il semble
utopique de vouloir demander aux individus de renoncer à leur confort et à leurs
statuts en diminuant leurs trains de vie. En admettant que cela soit possible,
de telles décisions mettraient de toute façon inévitablement la société en
péril, créant dans un premier temps un surplus de capacité de production et donc
un surplus de travail qui engendrerait immédiatement des taux de chômage
importants.
L'autre solution consisterait à "figer" les valeurs
des biens actuels et d'en interdire ainsi toute augmentation. Là aussi, la
mission est plus qu'impossible, car il faut se souvenir de la cause de ces
fameuses augmentations, encore appelées inflations, qui ne sont rien d'autre que
le résultat d'un excès de demande par rapport à l'offre. Et là encore, le seul
effet démographique implique à lui seul l'existence de ce mécanisme
inflationniste.
Donc, le simple fait que la population augmente génère
non seulement un surplus de bouches à nourrir, mais également une hausse
mécanique des prix par un accroissement de la demande. Il convient donc de
rajouter à nos 1,1 % précédents, quelques % supplémentaires liés à cette
inflation "naturelle". Mais attention, il convient en matière de croissance
économique de raisonner en PIB réel, c'est-à-dire sans tenir compte de
l'inflation des prix qui effectivement ne reflète pas d'une croissance de
production de biens équivalente.
Progrès or not progrès ?
Donc, pour que l'on puisse se maintenir à un niveau de
vie équivalent à celui de l'année passée, il faut que nous soyons en capacité à
générer une croissance "réelle" de 1,1 % accompagnée d'une croissance
"artificielle" de x % (dépendant du poids de la demande par rapport à l'offre).
Et si l'on souhaite plus ? Plus que maintenir son niveau de vie. Que se
passe-t-il si chaque individu de la population souhaite progresser ?
Que faut-il si ceux qui n'ont pas assez à manger
puissent manger à leur faim, si ceux qui n'ont pas de logement puissent disposer
d'un toit digne de ce nom, si ceux qui gagnent le SMIC veulent pouvoir
s'habiller correctement, si ceux qui gagnent 2 fois le SMIC veulent pouvoir
profiter de leur temps libre, si ceux qui gagnent 10 fois le SMIC, veulent
offrir les plus grandes écoles à leurs enfants, et ceux qui gagnent 100 fois le
SMIC, veulent investir une plus grande partie de leurs revenus dans l'emploi et
donner ainsi une chance à ceux qui gagnent 10 fois le SMIC d'offrir les plus
grandes écoles à leurs enfants, à ceux qui gagnent 2 fois le SMIC de pouvoir
profiter de leur temps libre, à ceux qui gagnent le SMIC, de pouvoir s'habiller
correctement, à ceux qui n'ont pas de logement de disposer d'un toit digne de ce
nom, et à ceux qui n'ont pas assez à manger de manger à leur faim ?
Pour que cette chaîne vertueuse existe, il
faut donc que nous rajoutions inévitablement à nos 1,1 + x % quelques autres y
%, gonflant ainsi le chiffre inexorable de la croissance économique nécessaire
au bon fonctionnement de notre société, et donc en conclure que oui, la
croissance économique est nécessaire. Que oui, il est raisonnable, même en cette
période de disette, de vouloir continuer à investir dans de nouveaux aéroports.
Et que oui, les entreprises qui dégagent des bénéfices doivent toujours en
dégager plus...