jeudi 17 novembre 2011

Quand Business Model et Marketing ne font qu'un

Le marketing et l'économie ne sont pas souvent associés l'un à l'autre. Je n'ai pas encore rencontré d'économiste qui disait aussi faire du marketing, ni de marketeur qui maîtrisait les lois de l'économie. Pourtant ces 2 domaines sont très proches l'un de l'autre, sinon complémentaires. Un chef d'entreprise parle de stratégies marketing d'un côté et de modèles économiques (les fameux business models) de l'autre. Mais finalement ne parlerait-on pas de la même chose ? ...
Je reprends ici quelques concepts développés en économie (d'ailleurs je vous recommande vivement la lecture de "Business Model Nouvelle Génération, d'Alexander Osterwalder et Yves Pigneur en collaboration avec 470 professionnels de 45 pays, aux éditions Pearson") en essayant de les transcrire en termes marketing. Vous m'accompagnez ? ...

Concept économique n°1 : le dégroupage d'entreprises
Ce concept est basé sur le fait qu'il y a 3 sortes de modèles économiques de base, et que toutes les entreprises doivent se reconnaître dans l'un deux, car il n'en existe pas d'autres :
  1. modèle fondé sur les relations clients ; les entreprises sont centrées sur la recherche de clients et elles construisent des relations durables avec eux
  2. modèle fondé sur l'innovation ; les entreprises développent des produits et des services nouveaux
  3. modèle fondé sur la mise à disposition d'infrastructures ; les entreprises construisent des systèmes autorisant le traitement de taches répétitives et en grand nombre
Les théories économiques les plus récentes recommandent le "dégroupage" de ces 3 modèles. Selon cette théorie, une entreprise sera d'autant plus performante qu'elle choisira et se concentrera uniquement sur l'un de ces 3 modèles.
Transcrit en termes marketing, ce concept revient à émettre l'idée que soit une entreprise dispose d'une offre et cherche à la vendre aux clients que cette offre intéresse, soit elle a identifié une typologie de clients insatisfaits et imagine l'offre pour les satisfaire, soit elle s'affiche comme une entreprise "intermédiaire" fournissant des services reliant des groupes d'acheteurs à des groupes de vendeurs. Bien sûr ces 3 modèles peuvent cohabiter au sein d'une même structure, mais les contraintes économiques qu'ils engendrent nous apprennent qu'il convient de les séparer distinctement pour une plus grande efficacité.

Concept économique n°2 : la longue traîne
Ce concept explique qu'il peut être au moins aussi intéressant de vendre plusieurs articles différents en petites quantités que de vendre peu d'articles distincts en grande quantité. La condition première pour que la vente de produits de "longue traîne" soit efficace réside en la mise en place de mécanismes de distribution performants avec des coûts de stockage les plus faibles possibles.
On reconnait bien évidemment ici les notions de marchés de masse et de marchés de niche. Le parallèle avec le concept économique décrit ici nous amène à penser qu'une stratégie de niches sera couronnée de succès en multipliant autant que faire se peu les niches ciblées.

Concept économique n°3 : les plates-formes multifaces
Il s'agit ici de structures qui mettent en contact au moins deux groupes de clients distincts mais qui dépendent les uns des autres. Le commerce ne peut s'établir qu'en présence de ces groupes et la plate-forme multiface agit comme un catalyseur des interactions inter-groupes. 
Pour fonctionner correctement, ce modèle nécessite la mise en réseau d'un grand nombre d'utilisateurs, d'au moins un groupe concerné.
Nous parlerons ici de l'analogie avec une branche bien particulière du marketing, celle du marketing de la mise en relation, grâce auquel un groupe d'acheteurs est mis en contact avec un ou plusieurs vendeurs potentiels dont l'offre correspond parfaitement à la demande exprimée par le groupe d'acheteurs. C'est la stratégie marketing que des entreprises comme Google (avec ses moteurs de recherche et produits publicitaires dérivés) ou Apple (avec son App Store) ont choisi d'implémenter.

Concept économique n°4 : le modèle du gratuit
Dans ce modèle, un segment de clients peut disposer en permanence d'une offre gratuite. Pour fonctionner économiquement, ce modèle nécessite qu'un ou plusieurs autres segments de clients compensent le manque à gagner ainsi créé. Il s'agit soit de faire payer les mêmes produits ou services offerts gratuitement à d'autres clients, ou plus couramment de faire payer des produits ou services additionnels au même segment bénéficiant des produits ou services gratuits.
On aura reconnu ici le marketing de type "freemium" (contraction entre free et premium) qui consiste à offrir, au delà de services totalement gratuits, des services payants permettant à leurs acheteurs d'accéder à des fonctionnalités privilégiées (l'exemple de certains jeux en ligne illustre parfaitement ce mécanisme). Les journaux "gratuits" sont une autre illustration de ce mécanisme. Ces derniers combinent d'ailleurs le concept des plates-formes multifaces et du modèle gratuit. On pense également à la stratégie marketing dite de l'appât et de l'hameçon dans laquelle un achat peu couteux considéré comme attractif, est suivi d'achats captifs et beaucoup plus générateurs de bénéfices sur le long terme (les imprimantes et leurs cartouches d'encre, ou les rasoirs et leurs lames jetables).

Concept économique n°5 : le modèle ouvert
Ce dernier concept demande la collaboration de partenaires extérieurs pour générer de la valeur et des bénéfices. On parle de modèle "dehors-dedans" lorsque l'organisme importe des idées extérieures pour les exploiter à son compte, et de modèle "dedans-dehors" lorsque l'organisme fournit à ses partenaires des moyens dont chacun profitera de manière rentable.
Il s'agit ici d'appliquer des principes marketing mettant en oeuvre l'achat de brevets ou de produits extérieurs pour le compte de son entreprise (dehors-dedans), ou bien à l'inverse de céder des brevets, des droits de licences ou des technologie à une entreprise tierce contre versement de royalties.

Le monde de l'économie, avec son vocabulaire, ses modèles et ses concepts ne serait-il pas une source intéressante d'idées pour celui du marketing ? Ces deux mondes ne seraient-ils pas complémentaires, parallèles ou partenaires ? N'aurions-nous pas intérêt à globaliser les approches et les recherches réalisées dans ces deux domaines ? D'ailleurs, Alexander Osterwalder et Yves Pigneur marient élégamment ces 2 approches lorsqu'ils disent : "La matrice du modèle économique prolonge et complète les outils analytiques développés dans le cadre de la stratégie marketing Océan Bleu de Kim et Mauborgne (voir mon article par ailleurs http://sedifferencierdesesconcurrents.blogspot.com/2011/09/il-est-rare-quune-entreprise-nait-pas.html). Ensemble, ils fournissent une grille d'analyse particulièrement performante pour remettre en question les modèles économiques dominants et en créer de plus compétitifs."

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